Ferhat Abbas proclame la République algérienne

Publié le 24 septembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Après cent trente-deux ans de domination coloniale, une guerre de libération (1954-1962) conduite par le Front de libération nationale (FLN) et une bataille pour le pouvoir qui, au cours de l’été, a failli tourner à la guerre civile, c’est Ferhat Abbas, le président de l’Assemblée nationale constituante, qui, ce 25 septembre 1962, à Alger, annonce au monde la naissance du nouvel État. Grande figure du courant nationaliste, l’ancien président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) mérite bien cet honneur.

L’indépendance a été proclamée le 5 juillet, mais l’euphorie de la victoire est déjà largement retombée. Entre-temps, un terrible bras de fer a opposé les divers courants du FLN, l’état-major de l’armée et les chefs militaires locaux. Abbas en est sorti très affaibli et quelque peu déçu par ses anciens camarades de combat. Mais ce jour-là, devant les représentants de la presse internationale, l’émotion qui étreint sa voix n’est pas feinte : « Je proclame la naissance de la République algérienne démocratique et populaire… » L’intitulé du nouvel État est à lui seul tout un programme. Dans le droit fil de la déclaration du 1er novembre 1954, qui marqua le déclenchement de la guerre de libération, les nouveaux dirigeants ont fait le choix du socialisme. Hélas ! ici comme ailleurs, l’association des adjectifs « démocratique » et « populaire » va se révéler désastreuse.
On est alors en pleine guerre froide entre le camp occidental dirigé par les États-Unis et le bloc soviétique inféodé à Moscou – l’« empire du Mal », comme dira plus tard Ronald Reagan. À l’époque, il n’est pas simple pour un pays nouvellement indépendant d’éviter de s’aligner sur l’un ou sur l’autre. Mais pour l’Algérie, la question ne se pose même pas : « Révolutionnaires nous avons été, anti-impérialistes nous serons. » D’où : vigilance sourcilleuse face à la menace néocolonialiste, soutien aux mouvements de libération à travers le monde et nationalisation des richesses nationales. Les pays du bloc de l’Est prennent en charge la formation des élites et des officiers supérieurs. Ils assurent par ailleurs l’approvisionnement de l’armée – devenue, elle aussi, « populaire » – en armes et en matériels. Dans les mess des officiers, il n’est pas rare d’entendre parler russe.
Parallèlement, le centralisme démocratique se met en place. Sacralisé par son rôle dans la guerre d’indépendance, le FLN devient le parti unique. La séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire existe formellement, mais s’apparente à une fiction. Comme partout, l’absence de débat contradictoire mènera à la catastrophe : culte de la personnalité, régionalisme et clientélisme. Loin des idéaux de la déclaration du 1er novembre.

la suite après cette publicité

Ahmed Ben Bella, l’homme fort du moment, a personnellement mis au point la liste des 196 membres de l’Assemblée constituante et méthodiquement écarté ses rivaux potentiels. Alors, ce 25 septembre 1962, Ferhat Abbas a sans doute une pensée émue pour tous les grands absents de la cérémonie. Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf et Hocine Aït-Ahmed, pour ne citer que ces trois grandes figures de la guerre de libération, n’ont pas été invités et sont contraints d’écouter son discours à la radio. Le lendemain, ils liront le compte-rendu de la cérémonie dans El Moudjahid, l’organe central du FLN. La République algérienne démocratique et populaire est porteuse du gène de l’exclusion. Elle mettra longtemps à s’en remettre.
Le 8 octobre 1962, quinze jours après le discours de Fehrat Abbas, l’Algérie deviendra 109e pays membre de l’Organisation des Nations unies.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires