Camair, affaire à suivre

Il a fallu dix ans pour que la compagnie aérienne nationale soit enfin liquidée. Qui prendra la suite ?

Publié le 24 septembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Tout paraissait clair le 29 juin dernier. Moribonde, privée d’avions et criblée de dettes, la compagnie aérienne Cameroon Airlines allait enfin renaître de ses cendres. SN Brussels se voit confier le soin de relever le pavillon national. À l’issue d’un appel d’offres lancé par le gouvernement le 25 janvier 2006 dans le cadre d’une procédure de scission-liquidation-privatisation, le ministère de l’Économie et des Finances désigne First Delta Air Services comme adjudicataire provisoire. Ce consortium, qui détiendra 51 % du capital de la future compagnie, a pour actionnaires le transporteur belge (60 %) et la société camerounaise de capital-risque Cenainvest (40 %), filiale du groupe financier Afriland First Bank. L’expertise technique, la solidité financière et le patriotisme économique l’ont emporté. Un temps intéressées, Kenya Airways et la sud-africaine Comair se sont retirées de la procédure, jugeant les conditions de souscription trop contraignantes. L’autre repreneur potentiel, Royal Air Maroc, en revanche, a fait preuve de persévérance. Après avoir préconisé une stratégie sous-régionale sous l’égide de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), la compagnie marocaine opte finalement pour une approche nationale. Objectifs : parfaire son réseau continental développé depuis Casablanca et Dakar où elle possède Air Sénégal International. Libreville cautionne la démarche et cède Air Gabon aux marocains le 29 décembre 2005. Yaoundé préfère le projet belge.
Créée en 2002 après la disparition de Sabena, SN Brussels relie quatorze destinations en Afrique (1,3 million de passagers), dont les quatre vols hebdomadaires avec le Cameroun. Après le rachat de la compagnie low cost Virgin Express, le groupe affiche un chiffre d’affaires de 946 millions d’euros et un résultat net consolidé de 12 millions en 2005. « Le réseau africain est bénéficiaire et représente 25 % de notre chiffre d’affaires », se réjouit le vice-président de la compagnie belge, Étienne de Nil, qui s’engage à transformer l’aéroport de Douala en hub régional. « Ce projet est séduisant, reconnaît un proche du dossier, qui précise toutefois que de nombreux points restent à éclaircir. » Avant la liquidation effective de la Camair et le lancement de la nouvelle compagnie, les discussions doivent notamment porter sur l’évolution de la flotte, les droits de vols, la reprise des effectifs et la dette estimée à 75 milliards de F CFA. Afin de solder les avatars d’une gestion hasardeuse, l’État semble disposé à éponger l’ardoise. En revanche, les discussions butent sur le choix des appareils. Afin de préserver l’équilibre financier du projet, la partie belge préconise une flotte adaptée aux liaisons régionales avec des avions moyen-courriers. Yaoundé rechigne et défend un projet plus ambitieux. Quant au reclassement du personnel, sur les 950 employés, seuls 480 conserveraient leur poste. « Nous voulons être associés aux négociations et nous demandons des garanties », déclare Pierre Mary Essimi, responsable syndical Camair.
Les discussions se prolongent. En embuscade, des investisseurs américains auraient présenté début septembre un plan de reprise plus avantageux, croit savoir la presse camerounaise. À la clé, un investissement de 40 milliards de F CFA et l’acquisition de huit appareils. Au même moment, une délégation de la banque américaine Eximbank s’est rendue à Douala, marquant la volonté des deux pays de relancer leur coopération économique. Le président Paul Biya annonce alors la création d’une compagnie aérienne, Cameroon Airlines Corporation (Camair Co). Le capital de cette nouvelle société entièrement débarrassée du passif et des actifs de la Camair « sera augmenté et souscrit à hauteur de 51 % par un partenaire stratégique sélectionné par appel à la concurrence, conformément aux règles applicables en matière de privatisation », précise le décret publié le 11 septembre. Mais aucune allusion à l’adjudication déjà effectuée ne figure dans le texte. Pas un mot, non plus, sur SN Brussels. « Cette procédure était prévue et le processus de privatisation suit son cours normal. Il n’y aura pas de nouvel appel d’offres et il n’y a aucune raison que First Air Delta Service ne soit pas le repreneur », rassure un proche du dossier. À Bruxelles, on se déclare optimiste : « Les pourparlers se poursuivent. Tous les points du cahier des charges vont être finalisés, mais la balle est dans le camp des autorités camerounaises tant que l’accord n’est pas signé », reconnaît Cédric Leurquin, responsable de la communication de SN Brussels. De fait, l’incertitude soulevée par le décret présidentiel souligne une vérité juridique. L’adjudication ne vaut pas reprise effective. Tant que l’appel d’offres n’est pas bouclé, la Camair peut encore changer de main. Une ultime chance à saisir pour d’autres prétendants éventuels.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires