23 août 1976 – Émeutes à Soweto

Publié le 24 août 2008 Lecture : 3 minutes.

Les 23 et 24 août 1976, plus de 80 % des travailleurs du plus grand township d’Afrique du Sud sont en grève. Personne ne peut plus se rendre en ville. Et lorsque Soweto s’embrase, c’est toute l’agglomération de Johannesburg qui tombe en panne. Pour les initiateurs du mouvement, le pays doit prendre conscience que la population noire, méprisée et spoliée de ses droits élémentaires, est bel et bien indispensable à son fonctionnement. Milton Nkosi, chef du bureau de la BBC à Johannesburg, a grandi à Soweto. Âgé de 10 ans à l’époque, il se souvient des scènes de chaos dont il fut le témoin : « Les policiers lâchaient les chiens sur la foule, on lançait des gaz lacrymogènes et les camions blindés de la police multipliaient les rondes. » En une semaine, on dénombre quarante et un morts.

Tout a commencé deux mois plus tôt, à la mi-juin, lorsque des centaines de collégiens et lycéens descendent dans la rue. Ils refusent que les cours de mathématiques et de sciences soient dispensés en afrikaans, la langue de l’oppresseur. C’est un symbole, une injustice de plus, qui va ébranler pour la première fois le régime de l’apartheid. C’est aussi la lutte d’une génération qui espère enfin changer le cours de l’Histoire. La répression policière est lancée. Le gouvernement part en guerre contre le « Black Power », désigné par le ministre de la Justice, Jimmy Kruger, comme « une sorte de nazisme noir ». Le 16 juin, Hector Pieterson, un enfant de 12 ans, est tué par des policiers. Sa mort va agir comme un électrochoc. La photo du petit garçon, portée par son frère en pleurs, fait le tour du pays et déchaîne les foules. À partir de ce jour et jusqu’à la fin août, les mouvements de protestation se multiplient dans les townships, dans les bantoustans (territoires où est regroupée la population noire à l’intérieur du pays) et même dans les centres-ville, pourtant déclarés « zones blanches ».
La répression a déjà fait plus de trois cents morts et mille cinq cents blessés. Le Premier ministre, Johannes Vorster, continue pourtant de nier l’embrasement des quartiers où réside la communauté noire. Pour les manifestants, c’en est trop. Il faut paralyser le pays. Le 23 août, les lycéens décident de bloquer les gares et les voies de chemin de fer pour empêcher les travailleurs de se rendre en ville. Certains, parmi ceux qui se retrouvent dans l’incapacité de gagner leur vie, notamment les membres de l’ethnie zouloue venue des bantoustans, se soulèvent contre les jeunes. Ces violences entre communautés seront d’ailleurs attisées par les autorités, fidèles au principe selon lequel il faut diviser pour régner.

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Mais en coulisse, les forces politiques tentent de s’unir. Le 28 août, pour la première fois dans le pays, les différents leaders de l’opposition parlementaire (blancs), les chefs traditionnels (noirs) ainsi que les responsables des communautés indienne et métisse créent une convention pour rédiger une nouvelle Constitution. Un nouveau texte qui prendrait en compte toutes les populations vivant en Afrique du Sud. Un élan d’espoir naît dans le pays. À l’étranger, on voit dans ces événements le début de la fin de l’apartheid. Mais, en Afrique du Sud, la communauté blanche reste confiante. Comme en témoigne, dans le magazine Newsweek, Margaretha Greyling, jeune mère de famille afrikaner : « Le gouvernement nous protège, nous les innocents. J’ai confiance en Vorster, il tient le pays comme il le faut. » L’Histoire lui donnera partiellement raison Si, en 1976, tout le monde croit enfin à la fin de la ségrégation raciale, ce système perdurera pourtant encore dix-huit ans.

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