Retour vers le futur

Publié le 24 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Décidément, Jacques Chirac et Marc Ravalomanana ne se quittent plus. Après avoir accueilli son homologue malgache lors du Sommet Afrique-France de février 2003 et l’avoir reçu à Paris au mois d’avril suivant, le président français avait fait une escale à Antananarivo le 27 juillet 2004. Ce 21 juillet, c’est en visite officielle que Chirac s’est rendu sur la Grande Île, un déplacement programmé conjointement au Sommet de la Commission de l’océan Indien (COI), qui se tenait le lendemain dans la capitale malgache.
Lors de leur rencontre, les deux présidents ont insisté sur la qualité des relations bilatérales, mais ils ont aussi, pour la première fois, évoqué la répression sanglante de l’insurrection nationaliste de 1947 par l’armée française, qui fit, selon les sources, entre 15 000 et 100 000 morts. Non sans ajouter qu’il fallait tourner la page… « On ne peut pas oublier ce qui s’est passé. Mais, actuellement, nous allons dans le sens du renforcement de nos relations bilatérales », a expliqué Ravalomanana au cours d’un point de presse organisé à Mahajanga. « Il n’y a aucune raison de ne pas tenir compte de l’Histoire », a renchéri Jacques Chirac, précisant : « Il faut être conscient des bons moments et des mauvais moments de nos relations et les assumer. […] L’Histoire est faite d’affrontements et de réconciliations, elle n’est pas faite automatiquement d’oubli. »
Le président français a même remis le sujet sur la table au cours d’un dîner avec son homologue, dénonçant « le caractère inacceptable des répressions engendrées par le système colonial ». Mais s’il a rendu hommage aux victimes de 1947, Chirac n’est pas allé jusqu’à faire acte de repentance. Ce que Ravalomanana ne semblait pas souhaiter particulièrement : « Je suis né en 1949, pas en 1947. Moi, je regarde l’avenir », a-t-il déclaré, manifestement peu concerné par le sujet…

En évoquant ainsi le passé colonial de la France et en signifiant que, désormais, il n’est plus tabou, Jacques Chirac n’avait pas que les relations franco-malgaches en tête. Sans doute tentait-il de désamorcer, à distance, une crise diplomatique qui se joue, depuis le 6 juin, à l’autre bout de l’Afrique. Ce jour-là, en Algérie, le Front de libération nationale (FLN) était monté au créneau pour dénoncer la loi du 23 février 2005 portant « reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». Adopté par les députés de l’Assemblée nationale française, ce texte stipule que « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». Pour le FLN, cette loi « consacre une vision rétrograde de l’Histoire ». Pis, elle justifie « la barbarie du fait colonial en gommant les actes les plus odieux, notamment les exactions commises contre les populations civiles innocentes ». Le président Bouteflika était intervenu en personne pour accuser Paris de « négationnisme » et de « révisionnisme » – des propos susceptibles de compromettre le traité d’amitié franco-algérien qui doit être signé d’ici à la fin de l’année.
En mentionnant les massacres commis sur la Grande Île, Chirac ne pensait qu’accessoirement aux événements de 1947. À preuve : lorsqu’il fallut choisir une ville de province comme étape pour sa visite officielle, certains de ses conseillers lui suggérèrent Diego-Suarez, une ancienne base militaire française, avant de se rabattre sur Mahajanga du fait de la connotation trop colonialiste de leur premier choix. Mais le second n’est pas moins chargé d’histoire : c’est dans ce port, précisément, que débarqua, il y a cent dix ans, le corps expéditionnaire français commandé par le général Duchesne. Ce dernier fit de Madagascar une colonie après la prise d’Antananarivo, le 30 septembre 1895. Dans la délégation française, certains ont qualifié cet anniversaire de « fâcheuse coïncidence ». Une coïncidence dont les officiels malgaches ne se sont même pas offusqués.

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