Chalabi a encore frappé…

Publié le 24 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Tout est prêt pour le procès de Saddam Hussein, le président déchu. Les Américains ont débloqué 35 millions de dollars. Un tribunal flambant neuf a été aménagé sur le lieu même de l’ancien quartier général du parti Baas à Bagdad. Pas moins de soixante-cinq juges, procureurs et autres fonctionnaires de justice devraient être mobilisés. Un organisme spécial, le Bureau de coordination pour les crimes du régime, a travaillé d’arrache-pied pour rassembler des charges contre l’ancien chef de l’État irakien. Et Raid Jouhi, le président du tribunal, a annoncé l’ouverture prochaine du « procès du siècle », probablement en septembre. Mais il n’est pas certain qu’à cette date, le même Jouhi sera à son poste. Car Ahmed Chalabi risque – encore ! – de faire des siennes.
Le vice-Premier ministre du gouvernement de transition a en effet provoqué le départ de neuf membres du tribunal pour cause d’appartenance au Baas sous l’ancien régime. C’est d’autant plus surprenant que les personnes incriminées comptaient parmi vingt-huit magistrats nommés par… Chalabi lui-même. Depuis, l’émotion est à son comble, et dix-neuf juges (dont Raid Jouhi) menacent de démissionner.

Comment expliquer l’intervention intempestive de Chalabi, leader de l’opposition en exil et, accessoirement, agent stipendié de la CIA ? Il n’a pas renoncé, en dépit de ses retombées désastreuses, à la politique d’épuration tous azimuts (débaasification). Et sans doute n’a-t-il pas oublié que son neveu, Salem Chalabi, qui devait présider le tribunal, avait été écarté l’année dernière par le Premier ministre de l’époque, Iyad Allaoui…
Les Américains se montrent passablement exaspérés par les foucades de leur protégé. Ils sont intervenus auprès du Premier ministre Ibrahim al-Jaafari pour qu’il refrène ses ardeurs épuratives. Sans résultat. En désespoir de cause, ils n’excluent pas de transférer le procès de Saddam à… La Haye, quitte à oublier un moment leur hostilité de principe au TPI (Tribunal pénal international).
La Constitution est également fin prête. Homam Hamoudi, le président du comité de rédaction, a annoncé que le projet pourrait être communiqué au Parlement au début du mois d’août et soumis à référendum une quinzaine de jours plus tard. On n’aura pas besoin de jouer les prolongations en utilisant, comme prévu, les six mois supplémentaires.
Cette célérité louable cache mal une grave crise. Après l’assassinat, le 19 juillet, de deux membres sunnites du comité, leurs amis (au total, quinze membres à part entière et dix observateurs) ont décidé de suspendre leur participation aux travaux. Et l’on apprend simultanément que la Constitution n’a rien réglé, les uns et les autres campant sur leurs positions de départ. Les sunnites, partisans d’un pouvoir central fort, demeurent réservés sur le fédéralisme préconisé par les chiites et les Kurdes. Ces derniers souhaitent une autonomie très large pour leur province du Nord, tandis que les chiites découvrent, à leur tour, les charmes de l’autonomie et souhaitent avoir leur province à eux, à Sumer, dans le Sud (80 % des réserves de pétrole).

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La Constitution, censée organiser la cohabitation des différentes composantes irakiennes, risque donc de consacrer son éclatement. Ce n’est pas tout : les femmes, symboles du nouvel Irak, découvrent que la Loi fondamentale en gestation va les priver de leurs droits acquis sous le règne du Baas et entériner les dispositions archaïques de l’islam – ou plutôt des islams – en la matière. On a déjà vu quelque deux cents femmes manifester leur colère sur la place où trônait naguère la fameuse statue de Saddam, déboulonnée après la chute de Bagdad. Pendant ce temps, les tueries succèdent aux massacres, faisant en moyenne trente-cinq morts par jour.

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