Alain Bombard

Le « naufragé volontaire » est décédé le 19 juillet 2005 à Toulon

Publié le 24 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Alain Bombard, médecin biologiste, ancien secrétaire d’État et député européen, écrivain dans sa jeunesse et violoncelliste à ses heures perdues, est décédé le 19 juillet à l’hôpital de Toulon (sud de la France), à l’âge de 80 ans. Il était l’homme des passions multiples, et se lançait dans chacune de ses aventures avec la même foi inébranlable.

Il naît le 27 octobre 1924 à Paris, dans une famille protestante. Après ses études de médecine, il part faire son internat à Boulogne-sur-Mer. En 1951, il est choqué de voir ramener les corps de quarante-trois marins noyés. Pourquoi des hommes aussi aguerris ont-ils péri, alors que leur chalutier n’a sombré qu’à quelques encablures du rivage ? Il analyse longuement le cas des déportés, des prisonniers, des populations sous-alimentées et en acquiert une conviction : on peut survivre au-delà des limites communément admises, c’est la peur qui tue. « Naufragés des légendes, vous êtes morts d’épouvante », écrira-t-il plus tard. Tout Alain Bombard est là : l’esprit doit refuser la fatalité et commander au corps, qui peut alors surmonter toutes les situations extrêmes, la faim, la soif, le froid…
Amoureux de la mer, il fera plusieurs expériences pour prouver sa théorie, jusqu’à la plus folle : traverser l’Atlantique, entre les Açores et la Barbade, sans eau ni vivres, sur un canot pneumatique simplement équipé d’une voile et d’un petit matériel de pêche. Il le baptise L’Hérétique, clin d’oeil aux partisans de l’orthodoxie scientifique qui estiment toute survie problématique après une semaine sans boire. Bombard arrive à destination le 23 décembre 1952, après soixante-cinq jours de mer. Il a perdu 35 kg en s’étant nourri jusqu’à l’écoeurement de plancton et de poisson cru. Il a bu de l’eau de pluie, recueillie dans sa voile, de l’eau de mer et le jus extrait des poissons. Le désespoir a failli l’abattre, au point que, le 6 décembre, après cinquante jours de dérive solitaire, il a rédigé son testament sur son carnet de bord.
« J’ai trouvé quelque part, je ne sais trop où, la force de dire non à cette voix obscure qui est en nous, celle de la mort », écrit-il dans son livre Naufragé volontaire, qui sorti en 1953 aux Éditions de Paris, sera un immense succès.

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Mais la communauté scientifique et la marine nationale, avec qui il comptait travailler, maintiennent leurs distances avec ce médecin un peu foutraque, trop agité, trop marginal. Il vit donc de ses conférences et se lance dans l’étude des pathologies des marins en campagne de pêche, à bord de son voilier-laboratoire Le Coryphène. En 1958, un autre naufrage, involontaire celui-là et qui fait neuf morts, marque le début d’une série d’ennuis, personnels et financiers, qui aboutiront à une tentative de suicide un soir de janvier 1963. Il ne reprend pied que grâce à Paul Ricard, le magnat de l’anisette, qui le nomme délégué général de sa fondation et rachète son voilier, saisi par le fisc. Bombard se lance alors dans la politique et adhère au Parti socialiste, devient conseiller pour les problèmes d’environnement, tout en animant, le dimanche après-midi à la télévision, une émission sur la mer. De son bref passage – un mois en 1981 – comme secrétaire d’État à l’Environnement, on ne retient guère que ses propos contre la chasse à courre. Entre 1981 et 1994, il est un député européen avec une assiduité remarquable.

Une quinzaine d’années après son exploit, Alain Bombard effectuait, le long de la côte atlantique française, une petite tournée de promotion d’une des (nombreuses) rééditions de son livre, qu’il accompagnait d’une courte conférence sur les techniques de survie en mer. C’est à cette occasion que je l’ai rencontré. Ses cheveux noirs ébouriffés, sa barbiche noir corbeau taillée à la Lénine, ses yeux proéminents qui vous fixaient avec intensité et ses gestes amples impressionnaient la salle, emplie d’enfants, de paysans curieux et de marins mal dégrossis. Nous buvions ses paroles… comme de l’eau de mer. Il expliquait comment recueillir le plancton, qu’il décrivait comme une pluie d’étoiles frissonnant à la surface de la mer. Tout avait l’air si simple qu’on se disait que, désormais, on n’attendrait plus anxieusement que les bateaux rentrent après chaque tempête. Je suis allée lui faire signer mon exemplaire, un grand livre cartonné illustré par l’aquarelliste Samivel, un autre précurseur de la protection de la nature.

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