Minorités invisibles

Publié le 24 juin 2007 Lecture : 2 minutes.

J’espère, tu espères, il espère, nous espérerons. Et conjuguerons ce verbe encore longtemps. « Jusqu’à ce que les poules aient des dents », dit l’adage français qui a pour équivalent, dans mon bled natal, « stanna y a djaja », un adage que je prêterais volontiers à mon bled d’adoption, la France, même si elle a trahi mes espoirs.
Car espoir, j’avais. Comme des millions d’hommes et de femmes qui ont choisi de vivre dans ce pays, qui l’ont enrichi de leur force de travail et de leurs rêves, où ils ont fait des enfants, à qui ils ont tout offert, même du vocabulaire voyez mon adage.

Et voilà que ce pays rechigne à lâcher du lest en faveur de ces minorités dites « visibles », mais qu’il a juré, la main sur l’urne, de maintenir invisibles. Vous ne savez toujours pas de quoi je parle ? C’est normal. L’actualité n’en avait que pour le couple Hollande-Royal, comme si l’annonce de leur séparation était plus importante que le résultat des législatives et comme si le départ réussi de leur domicile conjugal des uns devait occulter l’arrivée ratée des autres au Palais-Bourbon.
Cela dit, en passant, je ne vous cacherai pas que j’ai été un peu déçue par Ségo : faire un tel tintamarre autour d’une séparation ! Mais qui pourrait lui faire parvenir ma voix ? Personne n’a été élu pour représenter cette « communauté de la diversité » dont on nous a tant rebattu les oreilles. Pas un Africain, pas un Arabe.
À l’Assemblée nationale, le lieu où se construit la norme collective, il n’y aura (à part les élus d’outre-mer) que des « Blancs ». Or celui qui ne construit pas la norme n’est pas acteur de la norme. Dans le pays des droits de l’homme, les Français d’origine arabe et africaine restent des potiches, comme naguère les femmes. On s’acharne à leur apprendre qu’ils ont des devoirs, on oublie de se rappeler qu’ils ont aussi des droits. Celui d’être éligible, entre autres. Ainsi, hélas ! devons-nous enregistrer, après la loi sur le voile, une deuxième exception française : alors que tous les pays européens disposent de députés ou de maires issus de l’immigration, la France n’en a pas élu un seul.

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On me rétorquera qu’il y a eu Azouz Begag, qu’il y a Rachida Dati, Fadela Amara et Rama Yade. Sauf qu’il s’agit là d’individualités cooptées ou nommées, et non de représentants élus par le peuple français, seule procédure qui nous aurait sortis de « l’alibisme » – vous l’aurez remarqué, j’offre encore un mot au Robert ! Conclusion : nous aurons échoué aux épreuves du suffrage universel !
Alors, qu’on arrête de nous parler de diversité. Il existe un réel décalage entre le discours et les faits. La diversité, c’est le vu pieux des politiques et des journalistes. La réalité du terrain, c’est qu’entre un Français de souche et un immigré de souche, on choisit le premier. Qui disait « Mon frère avant mon cousin et mon cousin avant mon voisin » ? Ce n’est plus un parti montré du doigt. C’est toute une France qui s’est exprimée.

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