Éloge du clavardage

Un petit livre malicieux qui donne envie de plonger tête baissée dans la vraie diversité culturelle.

Publié le 24 juin 2007 Lecture : 2 minutes.

Khal Torabully est mauricien. Titulaire d’un doctorat en linguistique de l’université Louis-Lumière à Lyon-II, cet écrivain-poète a eu la bonne idée de commettre un dictionnaire francophone pour grand public. Encore ne s’agit-il pas d’un dictionnaire au sens académique du terme, mais d’un opus où notre langue démontre par son lexique son extrême variété géoculturelle, sa « transversalité », comme dit l’auteur. Au lieu de ramasser les mots pays par pays, puis les définir, Torabully constate que les deux cents millions de locuteurs et locutrices ne parlent pas la même langue. Savez-vous, par exemple, qu’un « Mussolini » est, dans le parler populaire ivoirien, « un poisson dont la tête épouse le profil du dictateur italien » ? Ou bien qu’en Nouvelle-Calédonie le « nem » est un « joint de haschich » ?
Ensuite, ce petit dictionnaire malicieux ouvre toutes grandes les fenêtres d’une francophonie débarrassée de son « surmoi » institutionnel. Il célèbre l’évidence poétique et métaphorique du français dans une ambiance linguistique à faire mourir de rire n’importe quel analphabète de la planète. Comme ce « je-m’en fous » qui, au Burundi, veut dire « gros camion militaire » : « Ce je-m’en fous se croit tout permis, il a arraché une des ailes de ma voiture ! » Ou bien le mot « chouia, ou chuya ». Certes on l’emploie, en France, pour dire « un peu » comme dans tout le Maghreb dont on pense qu’il est originaire. Mais en Centrafrique il signifie « brochette de viande braisée ». Et en Savoie (oui en Savoie), il signifie un « chemin ».
Bref, si vous voulez en savoir plus sur la « fabrication » du français, si vous ne voulez pas être dépassé par la frénésie lexicale qui traverse notre langue depuis quelques décennies, mais surtout si l’envie vous prend de plonger tête baissée dans la vraie « diversité culturelle », n’hésitez pas : ce petit livre risque de vous mettre de bonne humeur.
Une remarque pour terminer : puisqu’on y apprend qu’au Québec on dit « clavardage » au lieu de « tchater » pour illustrer les conversations sur le Web, chacun en déduira aisément qu’il existe des évidences linguistiques qui sautent aux oreilles. Mais, apparemment, dans l’Hexagone, elles ne sont pas entendues, comme l’indique encore la probable défaite en rase campagne de « courriel » (au profit de « mel »).

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