Libreville, fille de l’Atlantique

Publié le 24 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Libreville a tant d’histoires à conter qu’on n’en finit pas de l’écouter. Cette ville enfantée par l’Atlantique a épousé les contours de l’estuaire du fleuve Komo, qui se jette dans le golfe de Guinée. Comme souvent sous les tropiques, la brise marine se transforme en orage violent, rappelant qu’avant d’être la paisible capitale d’un Gabon prospère, cette terre littorale a connu le passé tourmenté de la traite transatlantique. Sur le sable fin de ce front de mer au si beau coucher de soleil, des hommes et des femmes ont hurlé de désespoir à l’heure d’embarquer dans les bateaux négriers. En 1850, alors que l’esclavage était interdit, la marine de guerre française a libéré d’un navire brésilien, l’Ilizia, une trentaine d’esclaves qui fondèrent Libreville. Aujourd’hui, un Gabonais sur trois habite la capitale. Et l’océan continue de charrier son flot de marchandises. Des bateaux mouillent dans ses ports, chargés de produits manufacturés. Dieu merci, il n’y a plus ni esclaves ni ivoire à embarquer. À Owendo, la zone industrielle et portuaire au sud de Libreville, c’est l’okoumé, ce bois précieux des forêts équatoriales, qui emplit les cales des cargos. Les minéraliers font le plein de manganèse, pour alimenter la voracité des industries occidentales et chinoises.

Au loin, dans l’azur de l’horizon, quelques rafiots abandonnés rouillent dans la rade, dégradant la beauté de l’Atlantique. L’océan, vexé que l’insouciante société de consommation le tienne pour une vulgaire décharge, renvoie à la figure de la ville ses pneus usagés et autres détritus. Mais il ne peut rien faire contre les rejets des égouts provenant de certains immeubles qui le souillent d’eaux usées et de substances chimiques.
Côté librevillois, on aime l’Atlantique, mais on le redoute aussi. Des baigneurs y meurent régulièrement par noyade ou par hydrocution. Mais selon la rubrique des faits divers des journaux locaux, la mer fait office de coupable idéal dans la plupart des affaires de morts suspectes. Le vent du large n’est pas encore parvenu à témoigner des crimes crapuleux dont les victimes sont jetées dans les eaux agitées. Le sable des plages ne parlera pas non plus de ces meurtres rituels commis en sacrifice à quelque mystérieuse divinité, dans un Gabon très imprégné d’esprit magico-religieux.

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Mais rien de tout cela n’est parvenu à couper Libreville de sa relation amoureuse avec la mer. Les baigneurs sont toujours aussi nombreux là où la plage est belle. Les jeunes aiment bien celle du lycée Léon-Mba, face à l’hôtel Intercontinental, ou celle de l’hôtel Tropicana, tandis que les européens préfèrent s’agglutiner à la plage qui jouxte l’hôtel Atlantic. Un opérateur de téléphonie mobile a choisi le bord de mer pour organiser des week-ends karaoké et des tournois de beach-volley. La plage devient alors le lieu idéal pour faire des rencontres. Les plus nantis prennent la chaloupe, pour 4 000 F cfa, et gagnent la Pointe-Denis de l’autre côté de l’estuaire du Komo. Gabonais, touristes occidentaux ou congressistes de passage ne se refusent pas le plaisir de profiter de ce site intact et exposé aux quatre vents.
Depuis les années 1970, d’autres étrangers ont débarqué sur les côtes gabonaises, attirés par la prospérité économique du pays. Le pêcheur nigérian, le commerçant béninois ou le chauffeur de taxi sénégalais sont venus avec l’espoir de trouver du travail ou de faire fortune au marché de Mont-Bouet, le plus grand du Gabon. Eux n’ont pas droit de cité sur le bord de mer, où les loyers ne sont pas à la portée des petits budgets. Ils iront grossir les matitis, ces quartiers pauvres, rongés par l’humidité, qui poussent à l’ombre des immeubles cossus de la façade atlantique. Mais sans eux, Libreville ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui.

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