Le fleuve et l’océan

Publié le 24 juin 2007 Lecture : 2 minutes.

« La vieillesse est un naufrage », avait écrit le général de Gaulle. Si les années creusent les visages et courbent les dos, les siècles ne manquent pas d’attaquer la pierre des villes. Les plus fières citadelles s’effritent, leurs remparts se fendillent, les digues sont progressivement recouvertes de sable, les égouts s’envasent, les ordures s’accumulent dans les décharges et l’ossature initiale des cités se déforme au gré des surcharges générées par les flux démographiques ou automobiles.
On savait depuis des lustres que Rabat, flanquée de Salé, sa jumelle et néanmoins rivale, ne pouvait subir indéfiniment, au risque de graves dommages architecturaux et environnementaux, les aléas des dégradations et des implantations sauvages qui s’accumulaient, tant sur sa façade atlantique que sur toute la longueur de la vallée du Bouregreg.

Du futur maréchal Juin en 1947, résident général dans la capitale du Maroc, qui avait échoué à faire partager au roi Mohammed V les volontés françaises de transformation urbaine, jusqu’aux décisions récentes prises par l’héritier de ce dernier, le roi Mohammed VI, pour mettre en valeur sa cité à partir de son cur historique de la kasbah des Oudayas, les projets de réhabilitation, de restauration et de restructuration se sont entassés sur les bureaux – et dans les corbeilles ! – des multiples aménageurs de l’estuaire. Leur manquait non pas tant la conscience unanime de leur nécessité que les moyens de réaliser des travaux de grande ampleur et, plus encore, la possibilité de propulser les secteurs productifs aptes à accompagner une telle croissance urbanistique. En un mot, faire en sorte que la restauration de la capitale ne se résume pas à une opération de sauvegarde du patrimoine, mais qu’elle réponde aux défis de la croissance d’un pays jeune, qui doit trouver dans la plus prestigieuse de ses villes un cadre adapté à son développement.

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L’énorme opération déclenchée il y a plus de deux ans par le souverain marocain avec le concours des groupements émiratis (le premier chantier vient de faire, pour ses 500 jours, un « point d’étape » très médiatisé) a pour ambition de soutenir cette gageure : il s’agit, dans tous les sens du terme, de lancer un pont entre l’eau douce et l’eau salée, le fleuve et l’océan, le courant et la marée, mais aussi de réconcilier la métropole avec sa vocation portuaire et de rentabiliser pour le plus grand nombre, sans y porter dangereusement atteinte, les beautés d’un site unique au monde.
On verra, dans les pages qui suivent, comment les opérateurs de ce projet prométhéen comptent atteindre leurs objectifs. D’ores et déjà, ils doivent cependant se convaincre de ceci : le charme d’un lieu, ce qui fait le pouvoir d’attraction d’un site ou d’une ville, cette sédimentation de la beauté à travers les siècles sur laquelle repose, par exemple, la magie toujours opérante des Oudayas ou du Chellah, se respectent plus qu’ils ne se commandent. Et, en matière de mémoire urbaine, les destructions ne se réparent pas

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