Le miracle de Bandoeng

Publié le 24 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Le président Soekarno [ou Sukarno, NDLR] a commandé à la Chine des explosifs joyeux : 20 tonnes de feux d’artifice. Dans le ciel de Bandoeng [ou Bandoung], en ce 18 avril, crépitent les salves d’anniversaire. Il y a dix ans, à ce même moment de l’année et en ce lieu même, les représentants de trente pays indépendants d’Afrique et d’Asie se réunissaient pour la première fois et leur rencontre donnait naissance à une force globale sans commune mesure avec la simple addition de leurs faiblesses de la veille. […]
En outre, le 18 avril 1955 voit mourir un homme qui incarnait la période ascendante d’un certain Occident : Albert Einstein. Einstein porta l’humanisme occidental à son point de raffinement le plus remarquable. D’un autre côté, ses travaux permirent aux États-Unis de réaliser une arme qui paraissait inconcevable – cette bombe atomique dont une nation d’Asie, le Japon, devait éprouver dans sa chair la terrible brûlure. […]
Bandoeng ne fut une conférence extraordinaire ni par le nombre des participants, ni par l’ampleur des décisions que l’on y prit. Le miracle de Bandoeng réside en ceci : jamais auparavant l’acte politique ne s’est constitué en mythe à l’heure même où il s’accomplissait. Le mythe demande un temps d’élaboration. Cette fois, il fut instantané, car il existait déjà, comme appel informulé, dans le coeur de millions d’hommes. Mythe des multitudes en marche que l’ancienne police du monde ne parvient plus à canaliser, mythe des oubliés qui retrouvent un langage, des exilés qui retrouvent une patrie. […]
C’est vers le second Bandoeng que se porte maintenant l’intérêt, vers les assises d’Alger prévues pour la fin du prochain mois de juin. Deux fois plus d’États indépendants sont habilités à siéger à Alger, et cela seul devrait rehausser d’autant l’éclat de la conférence. […] Pour que puisse se répéter le miracle, il faut que les chefs d’État qui vont se réunir à Alger commencent par se retremper dans ce courant de spontanéité et de ferveur. Il ne peut s’agit désormais de fabriquer de l’Histoire au nom de petites coteries. Si tel était le cas, on dégringolerait de l’Histoire au niveau de la chronique.

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