Pourquoi appelle-t-on « procès » la béatification ou la canonisation dans l’Église catholique ?

Question posée par Samir Touiri, Djerba, Tunisie.

Publié le 23 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

La procédure canonique est semblable à celle de la justice séculière, d’où le mot « procès » qui, d’ailleurs, est synonyme de processus. Celui-ci est instruit par la Congrégation du Vatican pour la cause des saints et se déroule en deux étapes : le procès informatif ordinaire et le procès rogatoire. Le droit canonique réclame une période de viduité de cinq ans après la mort d’un individu avant que l’on puisse entamer les démarches. Le candidat à la sainteté est a priori « présumé coupable » d’être un homme ou une femme ordinaire. Ses partisans et soutiens doivent donc apporter devant le tribunal ecclésiastique la preuve de ses miracles. Ceux-ci peuvent avoir été accomplis après son décès, mais également avant, ce qui permet d’établir que le bienheureux est mort en « odeur de sainteté ». Le « postulateur » ou avocat de la cause rédige une positio, un dossier qui ne compte jamais moins de 1 500 pages, transmis à la Congrégation en cinquante exemplaires reliés. Ceux-ci sont distribués aux cardinaux, aux historiens, aux théologiens, voire aux médecins chargés de donner leur avis.
Chaque cause peut nécessiter deux ou trois positii, voire une dizaine, comme ce fut le cas pour le pape Jean XXIII (1881-1963) et pour Padre Pio (1887-1968, moine capucin stigmatisé, auteur de nombreux miracles). De l’autre côté de la barre, le « promoteur de la foi », autrement dit « l’avocat du diable », est chargé de jeter le doute sur la sainteté du candidat. In fine, celui-ci est jugé – ou non – « innocent », donc saint. Les actes du procès sont alors imprimés en trois exemplaires, mais ils peuvent représenter jusqu’à 80 volumes. Toutes les auditions se tiennent à huis clos, après que chaque membre du tribunal a prêté serment. Tous jurent de procéder « avec foi et diligence », de tenir les échanges secrets et de n’accepter « aucune sorte de présents », synonymes de corruption.
À l’origine, les saints étaient proclamés par « dévotion populaire », c’est-à-dire que le peuple lui-même, par ses manifestations de ferveur et de reconnaissance, sanctifiait tel ou tel personnage. Jusqu’au XIe siècle, le pape n’intervient pratiquement pas, il suffit de la volonté d’un seul évêque. Le Vatican affirme son monopole sur les canonisations au XIIe siècle, et la procédure est définitivement fixée au XVIIIe siècle. On trouve une règle écrite dans le code de 1917, rédigé par le pape Benoît XV. En 1983, Jean-Paul II introduit la Constitution apostolique Divinus Perfectionis Magister, qui simplifie la procédure en donnant davantage d’importance à la recherche historique et scientifique, et rend aux évêques la responsabilité initiale de constituer le dossier des preuves de sainteté.
Ces procès coûtent cher, en moyenne 50 000 euros. La Fabrique de Saint-Pierre, organe du Vatican chargé de l’entretien de la basilique Saint-Pierre, prend en charge l’organisation matérielle de la cérémonie mais réclame aux « acteurs » de la cause le remboursement des frais engagés, qui peut comprendre jusqu’à l’électricité, les chandelles et les hosties. Selon l’agence catholique Apic, en 2002, la canonisation de Josémaria Escrivá de Balaguer, fondateur de l’Opus Dei, a coûté près de 300 000 euros.
Environ deux mille causes sont en cours d’examen, mais un quart d’entre elles sont « en sommeil » pour des raisons financières ou politiques, ce qui explique que des dizaines d’années peuvent parfois s’écouler entre l’ouverture d’un procès et son aboutissement. La plupart concernent des religieux, mais on trouve quelques laïcs dont les derniers, les Italiens Luigi et Maria Beltrame Quattrochi, sont aussi le premier couple de l’histoire de l’Église à être béatifié, en novembre 2001. La réputation internationale d’un candidat facilite toujours son avancée juridique, comme mère Teresa, morte en septembre 1997 et béatifiée en 2003. Gageons qu’il en sera de même pour celle de Jean-Paul II, dont le procès s’est ouvert, par dérogation de Benoît XVI, le 28 juin dernier.

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