« Au nom de Dieu, vous serez tous guéris »

Publié le 23 septembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Un mois après avoir annoncé, en janvier 2007, pouvoir guérir le sida, le chef de l’État gambien Yahya Jammeh faisait déjà une victime. Parce qu’elle a osé exprimer tous les doutes que lui inspire la « trouvaille » thérapeutique présidentielle contre la pandémie, la Zimbabwéenne Fadzai Gwaradzimba Oblide, représentante de l’ONU en Gambie, a été sommée, le 27 février, de plier bagage. Le numéro un gambien n’apprécie pas les critiques dont fait l’objet son cocktail-miracle. D’autant que celui-ci aurait été analysé et approuvé par un laboratoire sénégalais. Dixit le docteur Jammeh.
Lancé à grand renfort de spots publicitaires, passant en boucle sur les radios et les télévisions, le « remède-miracle » serait composé de sept plantes médicinales dont tout le monde ignore jusqu’au nom. Le 21 février, devant les caméras du monde entier, le chef de l’État s’est livré à une « séance de travail » durant laquelle on le voit enduire le corps de plusieurs malades d’une mixture verdâtre tout en récitant des versets du Coran. « Au nom de Dieu, dans trois à trente jours, vous serez tous guéris », assure-t-il à ses patients.
Depuis la diffusion de ce que d’aucuns ont qualifié de « pantomime théâtrale » et de « mascarade », des malades affluent de tout le pays, où le taux de prévalence du VIH a atteint environ 2 %, pour se rendre à la clinique privée du président, où l’on prescrit le « remède » gratuitement. En quelques semaines, plus de quatre-vingts personnes séropositives avaient suivi le traitement. Dont dix, selon le ministre de la Santé gambien, le docteur Tamsir Mbowe, ont été « guéries ». Tandis que chez dix-sept autres, le virus avait pratiquement disparu de leur organisme Mais le ministre peut-il dire autre chose du remède de son patron ?
La poudre de perlimpinpin du docteur Jammeh porte en tout cas un coup fatal au difficile travail de sensibilisation mené par certaines ONG auprès de la population. Les praticiens et les agences internationales spécialisées dans la lutte contre le sida craignent que le traitement rétro-viral ne soit abandonné au profit d’une méthode pour le moins fantaisiste. L’Onusida et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour leur part, ont tiré la sonnette d’alarme, alerté l’opinion publique et répété à l’envi que les « remèdes à base de plantes ne pouvaient pas remplacer un traitement global ni la prise en charge des personnes vivant avec le VIH ». Mais le président gambien n’en a cure : « Je guéris le sida et je n’ai aucune explication à donner à ceux qui ne croient pas ce que je fais, et encore moins à l’Occident. » Un entêtement qui n’est pas sans rappeler la ministre sud-africaine de la Santé Manto Tshabalala-Msimang, qui, forte de l’appui quasi indéfectible du président Thabo Mbeki, soutenait contre vents et marées qu’une potion à base d’ail, de citron et de jus de betteraves permettait d’éradiquer le virus en seulement trois jours.
Si Manto Tshabalala-Msimang a moins voix au chapitre dans son pays, le Docteur Mabuse, lui, persiste. Et ne compte pas en rester là. Le 24 août, il a reçu dans sa ville natale de Kanilai (à l’ouest de Banjul) cinquante-cinq malades souffrant d’hypertension à qui il a administré des médicaments à base d’herbes. Ce même mois d’août, Jammeh a annoncé qu’il préparait un traitement qui pourrait guérir le cancer d’ici à la fin de l’année 2007 De quoi faire tousser la communauté scientifique. Une fois de plus.

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