Film arc-en ciel en noir et blanc

Publié le 23 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Comment pourrait-on ne pas dire du bien d’un tel film ? Mon nom est Tsotsi, qui vient de sortir à Paris, a été en mars le tout premier film du continent africain à recevoir un Oscar à Los Angeles. Ce long-métrage sud-africain de Gavin Hood, qui avait déjà collectionné les récompenses dans divers festivals occidentaux, est alors devenu pour beaucoup le symbole de la naissance d’un nouveau cinéma dans la patrie de Nelson Mandela.
Le sujet qu’il traite est d’ailleurs destiné à célébrer, au moins métaphoriquement, l’espoir d’une rédemption totale de l’Afrique du Sud plus d’une dizaine d’années après la fin du régime d’apartheid. Et les nationaux ont ratifié cette noble ambition en se précipitant en grand nombre dans les salles. En l’espace de deux mois, entre mars et mai, le film avait déjà enregistré pas loin d’un demi-million d’entrées, un score dont seuls pouvaient se targuer jusque-là dans le pays les comédies à l’usage de la population blanche ou les blockbusters hollywoodiens. Plus frappant encore : une bonne moitié de ce public était composée de Noirs, alors que les Blancs représentent toujours environ les quatre cinquièmes des spectateurs (plus de 90 % en 2003).
Le film commence comme un thriller. On suit un jeune orphelin surnommé Tsotsi (« voyou » ou « délinquant » dans le jargon parlé dans les ghettos noirs). Chef d’un gang à Soweto, il se rend ce jour-là avec ses complices habituels au centre-ville, prend le métro et dérobe le portefeuille d’un « bourgeois » noir en le menaçant d’une arme blanche. Ce dernier, ayant manifesté une velléité de résistance, sera impitoyablement puni d’un coup de couteau et abandonné pour mort dans un wagon. Subissant plus tard les reproches d’un membre du gang pour sa brutalité gratuite, Tsotsi l’agresse à son tour. Très en colère, il repart bientôt, cette fois seul et armé d’un revolver, vers une banlieue cossue où résident des Blancs et il s’en prend à une femme qui vient de descendre de sa BMW afin de la lui voler.
La laissant sérieusement blessée en pleine rue, il s’enfuit au volant de la voiture. Tout à coup, il entend un bruit qui ressemble fort à des pleurs sur la banquette arrière : il a kidnappé sans le savoir un nourrisson ! Après avoir hésité à abandonner le bébé, il l’emporte avec lui, s’y attache, lui trouve une nourrice en la personne d’une jeune mère isolée dans le township – revolver au poing encore, on ne se refait pas en un jour ! Et arrive ce dont on se doute : face à cette situation inédite, l’apprenti-gangster sans foi ni loi va petit à petit se transformer en un humain capable de faire preuve de compassion, de respecter ses semblables. Jusqu’à sa fin « héroïque » dont nous ne dirons évidemment rien ici.
Le roman du plus grand auteur de théâtre sud-africain, Athol Fugard, qui a inspiré le long-métrage était plutôt intimiste, évoquant surtout ce qui se passait dans la tête de Tsotsi. Tourné très souvent en gros plan pour pousser à l’identification avec les personnages, sur un rythme trépidant qu’entretient en permanence une musique très entraînante (du rap local, le « kwaito »), le film est au contraire très extraverti. Il multiplie les effets – jeu des couleurs, images nocturnes, sentences normatives ou morales dans la bouche des protagonistes – pour toucher un large public en contant cette histoire de rédemption qui tourne au mélo très hollywoodien.
Au final, on l’a compris, ce film tourné dans la nation Arc-en-Ciel par un Blanc humaniste contant une histoire de Noirs renvoie à une esthétique et à des « valeurs » très en noir et blanc, autrement dit sans beaucoup de nuances ou de subtilité. Voilà pourquoi, même si Mon nom est Tsotsi est loin d’être un film indigne, il apparaît très exagéré d’en faire le porte-drapeau d’un nouveau cinéma sud-africain original et prometteur qui reste pour l’essentiel à venir (voir J.A. n° 2362). On peut se réjouir de son succès, témoignage d’une évolution positive de la société sud-africaine, on n’est pas obligé pour autant d’admirer la performance cinématographique.

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