El Hachemi Guerouabi

Le chanteur algérien est décédé le 17 juillet 2006 à Alger.

Publié le 23 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Le cercueil recouvert de l’emblème algérien, les condoléances du chef de l’État, l’hommage appuyé des artistes, les grosses manchettes de la presse et une grande foule présente pour un dernier adieu, il manquait peu de chose pour que les funérailles du chanteur El Hachemi Guerouabi prennent les allures d’un événement national. Souffrant d’une longue maladie, handicapé par un diabète qui obligea ses médecins à lui amputer une jambe, l’artiste a rendu l’âme dans la nuit du 17 juillet. Il avait 68 ans. « Nous perdons un immense monument culturel », déplore la ministre de la Culture Khalida Messaoudi. Chanteur très populaire aussi bien chez les jeunes que chez les personnes âgées, El Hachemi Guerouabi est considéré comme l’un des plus illustres cheikhs (maîtres) de la musique chaâbi (populaire), une sorte de blues qui a fait son apparition au cours des années 1920 dans les cafés maures de la Casbah d’Alger.
Né le 6 janvier 1938 à El-Mouradia (sur les hauteurs d’Alger), El Hachemi Guerouabi a grandi dans le quartier populaire de Belouizdad (ex-Belcourt), où il a pu donner libre cours à ses deux passions : le football et la musique. Adolescent, il délaisse le ballon pour faire son entrée à l’Opéra d’Alger. Son parcours démarre réellement lorsqu’il est repéré par le dramaturge et ténor Mahiedine Bachtarzi qui propulse aussitôt Guerouabi sur le devant de la scène. Nous sommes en 1953, une année avant le début de l’insurrection.
Musicien doué, chanteur à la voix éraillée, El Hachemi tâtera également de la comédie en interprétant des pièces de théâtre ainsi que des sketches aux côtés d’une pléiade d’acteurs populaires qui écumaient alors les salles d’Alger ainsi que les studios de la radio et de la télévision. Mars 1953, il sort son premier disque. Quelques années plus tard, il reconnaîtra que son passage sur les planches aura été déterminant. « Le théâtre m’a énormément aidé pour la chanson, au niveau de la diction, des intonations. Chanter du chaâbi, c’est comme chanter un conte, il faut avoir des qualités de comédien pour bien l’interpréter », dira-t-il.

Excellant dans divers styles de la musique chaâbi, de la qassidat el medh (genre mystique) aux gharamiattes (poésie courtoise), en passant par les mouachahattes (textes classiques arabo-andalous datant du XVIIe et du XVIIIe siècles), Guerouabi accède à la notoriété en 1962 en chantant aux côtés du maître incontesté du genre, M’hamed El Anka. S’il fait montre d’une grande aisance dans l’interprétation des qassidates, des textes fouillés et puisés dans la tradition maghrébine – « je suis un chanteur à textes, j’aime la poésie, les chansons voulant dire quelque chose », avouera-t-il un jour -, l’homme n’était pas moins un précurseur. Grâce à sa complicité avec Mahboub Bati, un mélodiste hors pair, Guerouabi a su renouveler le chaâbi en y introduisant de nouvelles sonorités.
Alger, juillet 1969. À l’époque considérée comme la Mecque des révolutionnaires du Tiers Monde, la capitale algérienne accueille le Festival culturel panafricain. El Hachemi Guerouabi profite de l’événement pour chanter « El barah » (Hier). Le triomphe est immédiat auprès des jeunes, des vieux et même des femmes, une performance plutôt rare pour un genre musical réputé rétif à la gent féminine. C’est qu’en plus de ses talents musicaux, le chanteur est aussi un grand séducteur. Bel homme, Guerouabi a des airs de latin lover tant il est vrai qu’il ressemble à l’acteur italien Marcello Mastroianni, son idole. Après avoir fait l’essentiel de sa carrière en Algérie dans les années 1970 et 1980, Guerouabi est contraint à l’exil en 1995 lorsque le pays sombre dans la guerre civile. Réfugié à Paris, il n’en reste pas moins attaché à sa terre natale. En dépit d’un mal incurable, il signe son grand retour au pays le 4 juillet 2005. Dans l’enceinte du Théâtre de Verdure d’Alger, à deux pas de Soustara, son quartier bien aimé, il donne un récital de trois heures, pour le plus grand bonheur de ses admirateurs. Ce fut son dernier concert.

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