Paix sur les ondes

Soutenue par les Nations unies, des ONG et des pays européens, Radio-Okapi est devenue le média numéro un du Congo réunifié.

Publié le 23 avril 2006 Lecture : 4 minutes.

Elle n’a que 4 ans, mais elle a tout d’une grande. Largement écoutée sur quasiment tout le territoire de la République démocratique du Congo (RDC), Radio-Okapi occupe 40 % des parts de marchés dans l’est du pays. Et à Kinshasa, où pullulent radios locales et étrangères, elle en détient 25 %. Un succès qu’elle doit à la qualité de ses programmes et à l’étendue de son réseau. « Radio-Okapi a joué un grand rôle dans la réunification et a permis de rapprocher les Congolais. Grâce à elle, on sait ce qui se passe dans tout le pays. Pour la presse, elle sert d’alerte et de source d’informations. Elle est incontournable », souligne le journaliste Barthélemy Bosongo.
Lancée le 25 février 2002, alors que s’ouvrait à Sun City, en Afrique du Sud, le Dialogue intercongolais, qui allait déboucher sur la paix et la mise en place de la transition, Radio-Okapi, fondée conjointement par les Nations unies et la Fondation Hirondelle – une ONG suisse spécialisée dans des projets de médias en pays de crise – a donc gagné son pari : fournir une information fiable et rigoureuse, et accompagner le processus de paix et de réunification du pays. Un avis partagé par le grand chef Mulongo Ndala Beula Ier du Katanga, qui affirme : « C’est un outil de paix et une véritable école de civisme qui permet aux Congolais de s’informer et de se former à l’exercice démocratique. »
D’abord limitée à l’information, avec des journaux et une émission-débat, le DEC (Dialogue entre Congolais), devenue une émission phare, et ne disposant que de trois stations (Kinshasa, Goma et Kisangani), Radio-Okapi s’est progressivement implantée dans le pays tout en élargissant sa grille de programmes. « Les news, c’est bien, mais il fallait passer à un autre stade pour faire d’Okapi une vraie radio généraliste de service public. Pour y parvenir, nous avons réuni tous les ingrédients nécessaires », explique Yves Laplume, le directeur.
Le changement, qui s’est opéré à partir de 2004, était devenu d’autant plus nécessaire que la radio voulait s’attirer les faveurs des jeunes, un public peu enclin à n’écouter que des « nouvelles ». « Nous avons adopté une démarche marketing et créé des émissions culturelles, de sport et de musique pour attirer la jeunesse et l’amener à s’intéresser à l’actualité politique, grâce à des brèves d’info », précise Djamel Kasmi, le chef du service programmes. Aujourd’hui, par le biais de sa grille très diversifiée, la radio capte l’attention de publics très différents. Okapi Action, Okapi Métissage, Okapi Jeunes, Okapi Femmes, autant de magazines et de reportages qui donnent la parole aux Congolais et aux Congolaises et justifient la vocation du média, dont le nom ne doit d’ailleurs rien au hasard. L’okapi n’est-il pas une espèce animale endémique ?
Le soir venu, dans les zones privées d’électricité, l’émission Okapi Danse anime les bars et les transforme en boîtes de nuit. Le sport n’est pas oublié. Adoptant une approche originale, la rubrique propose des dossiers et des portraits dans lesquels elle s’attache à refléter les valeurs positives des disciplines et des sportifs. La grande innovation des programmes reste la Mercuriale, sans doute l’émission la plus écoutée : elle donne un indice des prix calculé sur une trentaine de produits de première nécessité, et cela dans différentes villes du pays. « C’est une véritable géographie économique que nous offrons à nos auditeurs avec ce produit qui intéresse vivement le Fonds monétaire international et l’ambassade de France », confie Djamel.
Pour assurer la qualité, Radio-Okapi ne lésine pas sur les moyens. « Nous mettons énormément l’accent sur la formation », assure Christian Schmidt, de la Fondation Hirondelle. De nombreux formateurs circulent dans les bureaux qui viennent parfaire les compétences professionnelles des journalistes et des animateurs et même approfondir leur culture économique. Parité hommes/femmes oblige, une formation « genre » a également été dispensée. En cette période préélectorale, tous les journalistes ont en outre été largement renseignés sur les subtilités des différents modes de scrutin.
Il faudra bientôt couvrir les élections, en s’appuyant sur l’expérience, plutôt réussie, de la couverture du référendum constitutionnel du 18 décembre dernier. La mission ne sera pas toujours aisée, car les pressions du pouvoir politique se font parfois sentir. Dans cette phase délicate, un seul mot d’ordre : les faits, rien que les faits. « Nous ne faisons pas de commentaires. Nous essayons d’équilibrer les sujets et de donner la parole à tous les partis. Nous avons élaboré une charte électorale, que nous avons présentée en septembre 2005 aux formations politiques. Les règles du jeu sont donc claires », souligne Laplume. La prochaine étape sera d’accompagner la phase postélectorale, où les enjeux seront d’une autre nature. Pour le futur gouvernement, le cap devrait être mis sur la bonne gouvernance et sur le développement du pays.
Quant à l’avenir de Radio-Okapi Pour l’heure, elle n’est qu’un « projet » soutenu par des bailleurs de fonds, principalement les Nations unies, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis. « C’est un contrat entre la Fondation Hirondelle et la Monuc. Il faut maintenant légaliser ce projet et lui donner un statut. Il faut que la radio devienne une entreprise de presse », explique Peter Urs Aeberhard, le directeur de la Fondation. Il n’est de toute façon pas question de la « remettre » au gouvernement qui sera issu des élections. Un montage financier est envisagé. Il pourrait associer des privés et des institutions, s’appuyer sur le marché publicitaire et la vente de produits dérivés. La mise en place passera évidemment par une plus large « congolisation » de l’encadrement, à commencer, bien sûr, par les animateurs et les journalistes.

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