Le règne sans fin de Moubarak

Publié le 23 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Hosni Moubarak, 77 ans, dirige l’Égypte depuis vingt-quatre ans, sans compter les six années passées comme vice-président. Il s’agit là du troisième règne le plus long des quatre mille ans d’histoire du pays, après ceux, dans l’antiquité, de Ramsès II (66 ans) puis, au XIXe siècle, de Mohamed Ali Pacha (43 ans).
Personne n’y aurait trouvé à redire si, après avoir longtemps alimenté la rumeur, la dégradation de l’état de santé du raïs n’était devenue un fait indéniable, confirmé aux Égyptiens, chaque soir, au journal télévisé. Le président égyptien n’est plus, à l’évidence, au meilleur de sa forme. Amaigri par un régime alimentaire sévère, traits tirés, teint livide, regard éteint et gestes las, il tient plus de la momie vivante que du pharaon au faîte de sa gloire. C’est ainsi qu’il est apparu mercredi 19 avril au Caire, devant les caméras de télévision, aux côtés de Jacques Chirac, autre septuagénaire à la santé chancelante.
Fidèle à sa complaisance à l’égard des autocrates arabes, le président français s’est bien gardé d’évoquer le sort du candidat malheureux à la présidentielle de septembre dernier, l’opposant Ayman Nour, emprisonné depuis décembre 2005. En revanche, il s’est permis de défendre, dans une interview à l’hebdomadaire Al-Ahram, les pseudos-réformes engagées par son hôte : « La France […] comprend que les réformes doivent être conduites par chacun à son rythme, souverainement et dans le respect de son identité. » Au rythme où vont les réformes en Égypte, vieux pays où le temps dure très (très) longtemps, la transition démocratique pourra donc prendre, au mieux, quelques siècles. Les Égyptiens apprécieront
Ces derniers sont de plus en plus nombreux à protester contre la dictature de Moubarak, sa mauvaise gestion du pays, l’un des plus pauvres du Moyen-Orient, l’affairisme de sa famille, la corruption de ses collaborateurs et son alignement sur les intérêts de l’Occident. Sans oublier l’exaspération que génère l’immobilisme de son régime.
Les journalistes nilotes ne se gênent plus, pour leur part, pour souligner la détérioration de l’état de santé du raïs. Et de s’interroger sur sa capacité à aller au terme de son mandat actuel, qui s’achèvera en 2011. Certains vont jusqu’à envisager sérieusement l’après-Moubarak, en échafaudant des scénarios : une succession héréditaire à la syrienne, par transmission du pouvoir, du vivant de Moubarak père, à Gamal, son fils cadet, 42 ans, déjà patron du Parti national démocratique (PND, au pouvoir) ; la reprise en main du pays par un haut gradé de l’armée, comme le chef des services de renseignements Omar Suleiman, ou par les Frères musulmans, seule force politique capable de faire bouger la rue en cas de crise grave ou de vacance du pouvoir.
Il ne reste donc plus que Chirac, dont on connaît la fascination pour les pharaons, pour croire encore à l’immortalité de son hôte. Et, peut-être aussi, secrètement, à la sienne.

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