Henri Duparc

Le cinéaste ivoirien est décédé le 18 avril à Paris.

Publié le 23 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

Il ne nous fera plus rire et sourire devant le grand écran. Et nous ne verrons plus ses yeux malicieux derrière ses grandes lunettes hors de mode, sous un front largement dégarni. Le réalisateur de l’inoubliable comédie Bal poussière, restée jusqu’à ce jour le plus grand succès public du cinéma africain, ne réalisera pas les projets dont il nous entretenait encore avec passion il y a quelques mois. Mort dans un hôpital parisien au matin du 18 avril, Henri Duparc, dont les ennuis de santé n’avaient pas altéré l’optimisme foncier, nous a quittés alors qu’il était loin d’avoir terminé son beau parcours de fidèle serviteur du septième art.

Aimé du public, ce réalisateur éminemment sympathique, profondément humaniste, observateur pointu des petites choses de la vie quotidienne comme des faits de société, n’a jamais été reconnu par ses pairs comme il l’aurait mérité. S’il a glané quantité de prix, il n’a en particulier jamais été couronné par le Fespaco ou célébré à Cannes.
Sans doute doit-il cette relative mise à l’écart à son choix de miser toujours sur l’humour, la légèreté, la dérision. Sans jamais formater ses films pour complaire à ceux qui préfèrent qu’on parle toujours avec gravité de l’Afrique et de ses problèmes. Voilà pourquoi, et cela vaut bien tous les parchemins officiels, lui seul pouvait se vanter d’avoir reçu sa plus grande récompense non pas des puissants mais de la rue. Au sens propre, puisque le succès de Rue Princesse – qui évoque plaisamment la prostitution et l’hypocrisie qui l’accompagne – fut tel à Abidjan en 1993 que le titre du film a donné ensuite son nom à l’artère réputée la plus chaude de la ville.
Métis franco-africain né en 1941 à Forécariah en Guinée, où son père était planteur de bananes, Henri Duparc termine ses dernières années d’études « classiques » en France. Déjà conquis par le septième art, où il prendra très tôt pour maîtres Renoir et surtout Fellini, il réussit à obtenir une bourse de son pays pour suivre de septembre 1962 à octobre 1963 une formation à l’institut de la cinématographie de Belgrade. Il poursuit son apprentissage au prestigieux Institut des hautes études cinématographiques de Paris entre 1964 et 1966 tout en exerçant divers métiers – veilleur de nuit notamment – pour financer un « cursus » que la Guinée a cessé de soutenir. Après un stage d’un an à la télévision française, Duparc décide en 1967 de retourner en Afrique. Un choix définitif.
Ne pouvant s’installer dans la Guinée de Sékou Touré où les cinéastes en herbe – notamment – sont persécutés, il opte pour la Côte d’Ivoire, où il se marie en 1969 et qui va devenir son pays d’adoption. Réalisateur au sein d’un organisme gouvernemental, la Société ivoirienne de production, il aborde tous les genres : publicité, documentaire, fiction Mais dès le début des années 1970, il affirme son talent singulier dans des uvres qui le font remarquer au-delà des frontières : le moyen-métrage Mouna ou Le Rêve d’un artiste fait en 1970 l’ouverture de la Semaine du cinéma africain de Ouagadougou, l’ancêtre du Fespaco, avant le succès populaire d’Abusan, son premier long-métrage 35 mm en couleur, en 1972.

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Alternant uvres de fiction et documentaires, le cinéaste crée en 1983 sa propre structure de production, Focale 13. C’est elle qui « portera » désormais une bonne part de ses projets, à commencer par Bal poussière, cette satire de la polygamie, qui établit à la fin des années 1980 sa notoriété internationale (320 000 entrées en France !). Mais Henri Duparc entend rester un réalisateur africain qui tourne sur le continent des histoires africaines pour les populations locales. Ce qui le conduira à prendre le risque de s’occuper de distribution et d’exploitation en occupant un temps la direction d’une salle à Abidjan. Il privilégiera aussi sur la fin de sa vie les partenariats Sud-Sud, par exemple avec le Maroc et l’Afrique du Sud, pour finaliser ses deux dernières uvres de fiction, Une couleur café (1997) et Caramel (2005).
Tout en préparant une adaptation très personnelle d’une pièce de Feydeau (La Puce à l’oreille) ainsi qu’une nouvelle comédie dont il avait déjà écrit le scénario (La Grève du lit), Henri Duparc s’était lancé dans un grand projet pour la télévision : une série de documentaires consacrés aux hommes politiques africains qui ont été à l’origine d’un changement significatif dans leur pays. Le premier évoquait le parcours d’opposant de Laurent Gbagbo (La Force d’un destin), dont le cinéaste était, il est vrai, avec sa femme, un supporteur passionné. Les suivants devaient être consacrés à Abdoulaye Wade et Nicéphore Soglo. Ils ne verront jamais le jour.

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