François Muamba Tshishimbi

Ministre du Budget et secrétaire général du Mouvement de libération du Congo (MLC)

Publié le 23 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : À combien s’élève le budget de l’État en 2006 ?
François Muamba Tshishimbi : À 2 milliards de dollars. Il progresse à chaque nouvel exercice. Pour rappel, il n’était que de 800 millions en 2003. C’est la preuve que nous parvenons à mobiliser davantage de ressources aussi bien internes qu’externes. Généralement, le budget est alimenté pour une moitié par les recettes intérieures et pour l’autre par les appuis des bailleurs de fonds. En 2006, la part des financements extérieurs atteindra 57 % en raison des besoins additionnels qui sont dévolus à l’organisation des élections.
Est-il facile de faire respecter le budget en cette période électorale ?
Par le passé, les autorités établissaient des budgets qui n’étaient jamais exécutés. Nous avons instauré avec l’appui des institutions de Bretton Woods une « chaîne de la dépense » qui distingue bien les phases d’engagement, d’ordonnancement, de liquidation et de paiement. Cela nous permet d’introduire progressivement la culture budgétaire chez les fonctionnaires. Nous sommes néanmoins dans une phase postconflit où le niveau de nos besoins est bien supérieur à notre budget. Nous essayons de contrôler au mieux les dérapages, car nous avons en ligne de mire l’accession au point d’achèvement de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés).
Le point d’achèvement ne sera cependant pas atteint comme prévu, en raison des dérapages budgétaires
Si je prenais en compte stricto sensu les demandes des différents ministères, mon budget devrait être dix fois plus élevé. Nous sommes obligés d’établir des priorités. Mais la réalité nous rattrape souvent. Nous devrons financer, par exemple, des dépenses exceptionnelles en matière militaire.
Le FMI souligne également une forte progression des frais de mission
Nous essayons de retenir des missions qui servent les intérêts de notre pays. Mais, là encore, nous ne pouvons pas couvrir tous les besoins, alors nous enregistrons de légers dépassements. Ce gouvernement a néanmoins montré sa capacité à prendre des mesures correctives. Je ne doute pas, non plus, des efforts du prochain gouvernement qui permettra d’atteindre le point d’achèvement.
Le problème de non-paiement ou d’arriérés ?de paiement des militaires est récurrent. ?Est-ce la faute du ministère du Budget ou ?des caissiers payeurs de l’armée ?
Il y a deux problèmes distincts : la malveillance et les problèmes administratifs. Lorsque les acteurs ont réunifié le territoire en 2003, la hiérarchie de l’armée nous a indiqué que l’effectif total représentait 340 000 hommes. Après tout un travail de recensement et de rationalisation, on s’est aperçu que l’armée ne comptait pas plus de 166 000 hommes. Le différentiel a permis d’améliorer la solde des vrais militaires. L’autre problème concerne le paiement des soldes. Notre armée est actuellement amenée à se déplacer fréquemment dans les zones de combats. Les délais sont encore un peu longs entre le déblocage des fonds et leur acheminement sur le terrain. Parfois, les hommes ne s’y trouvent plus, ce qui entraîne des retards et parfois aussi des actes de détournements.
La lenteur de l’administration ne vient-elle pas du système de gouvernance 1 +4* ?
Il est sûr que cela rallonge les délais. La nouvelle Constitution prévoit une architecture différente, avec un président et un Premier ministre. En matière de gouvernance, notre système n’est pas différent de celui en vigueur dans les pays développés. Il repose sur une séparation entre celui qui collecte les fonds, celui qui engage la dépense et celui qui paie. C’est un gage de bonne gestion. Cela permet également de faire tous les contrôles nécessaires pour vérifier la bonne utilisation des fonds.
Tout le monde atteste d’incontestables progrès en matière de contrôle des dépenses. Mais il n’en va pas de même de la collecte des recettes
Nous ne sommes parvenus à collecter que 380 millions de dollars de ressources propres en 2003. Aujourd’hui, les recettes de l’État atteignent 1 milliard de dollars. Cela veut dire que la politique de mobilisation est efficace. Mais il est clair qu’au regard du potentiel de recouvrement il existe encore une marge très importante.
À combien l’estimez-vous ?
Le MLC s’est penché sur cette question. On pense pouvoir mobiliser jusqu’à 3 milliards de dollars de ressources propres par an dans les cinq prochaines années. Si les bailleurs de fonds maintiennent leur aide, à hauteur de 1,5 milliard de dollars, notre budget connaîtra une forte progression, ce qui permettra de lutter contre la grande pauvreté.

* 1 + 4 : 1 président et 4 vice-présidents.

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