Comment la CIA a fourni la bombe à l’Iran…

Si Téhéran se dote un jour de la bombe, il est vraisemblable que son assemblage final se fera selon des plans fournis… par la centrale américaine.

Publié le 23 mars 2008 Lecture : 2 minutes.

Voici un scénario digne des meilleurs films d’espionnage. Tout commence quand un expert russe de l’arme nucléaire – nommons-le Vladimir – décide de s’installer aux États-Unis dans les années 1990. La CIA le repère très vite. La spécialité de Vladimir, c’est l’assemblage de la bombe, le dernier stade, le plus crucial, du processus. Voilà qui est intéressant… La CIA finit par le recruter et le charge d’une mission ultrasecrète : il s’agit, dans un premier temps, d’approcher les Iraniens et de leur proposer ses services. Il faut gagner leur confiance. Ensuite, on verra La CIA fournit à Vladimir des plans et des schémas en caractères cyrilliques, censés persuader Téhéran qu’ils proviennent de l’ex-Union soviétique. Le tout est assez crédible : il y a des centaines d’ingénieurs et de scientifiques russes ou ukrainiens qui disposent d’un savoir stratégique qu’ils seraient prêts à monnayer, répète-t-on souvent à l’époque. Mais la CIA ne joue pas franc-jeu avec Vladimir. En fait, il est lui-même manipulé : les plans comportent des erreurs flagrantes et des fausses pistes. Si les Iraniens se basent dessus pour construire leur bombe, ils n’auront en fin de compte qu’un bidule qui fait pschitt et leur programme aura pris dix ans de retard. Toujours ça de gagné. C’est ça, l’opération Merlin. Pourquoi Vladimir n’est-il pas dans le secret ? On peut imaginer que la CIA se méfie malgré tout de lui – il a quand même participé sans états d’âme à la construction de bombes soviétiques pointées sur les États-Unis. Ou peut-être, pense-t-on à Langley, qu’il agira de façon plus naturelle avec les Iraniens s’il croit vraiment leur fournir des plans authentiques. Quoi qu’il en soit, c’est une bévue spectaculaire. Vladimir, jetant un coup d’il sur les plans, découvre les erreurs – après tout, c’est sa spécialité. Et il les corrige ! On l’imagine secouant la tête en traitant in petto les Américains d’incompétents Puis il se rend comme prévu à Vienne où il prend contact avec la délégation iranienne auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). D’abord méfiants, les Iraniens se rendent vite compte qu’ils sont en présence d’un trésor. Ils achètent les plans et les envoient à Téhéran. Il est donc tout à fait possible que si l’Iran se dote un jour d’une arme nucléaire, son assemblage final se fera selon des plans fournis par la CIA
Fiction ? Pas du tout. Les détails de l’opération Merlin se trouvent dans un livre de James Risen, grand reporter du très sérieux New York Times, publié en 2006 sous le titre State of War : The Secret History of the CIA and the Bush Administration (État de guerre : Histoire secrète de la CIA et de l’administration Bush). Le fait que Risen ait des ennuis judiciaires en ce moment – un grand jury fédéral vient de lui ordonner de révéler ses sources – montre que l’opération Merlin a vraiment existé et qu’elle n’est pas sortie du cerveau enfiévré d’un écrivain ou d’un scénariste.

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