Au prix du marché

Publié le 23 mars 2008 Lecture : 2 minutes.

Je me souviens. Il y a vingt-cinq ans, lorsque je me rendais en Tunisie, mes bagages étaient remplis de victuailles. Le fromage, les bananes étaient à l’époque des produits rares. Il fallait amener également du café. Celui qui était vendu sur place laissait franchement à désirer. Pour qui débarquait de Paris, les magasins de Tunis semblaient d’une pauvreté affligeante. Alors, entre les petits appareils ménagers, les conserves et les produits d’hygiène, on emportait avec soi ce qu’il fallait pour vivre un tant soit peu comme à Paris.
Tout cela paraissait logique. Après l’indépendance et le départ des colons, qui contrôlaient l’essentiel des rouages de l’économie, tout était à construire dans ce pays. Pour développer un secteur industriel embryonnaire, il fallait protéger la production nationale de la concurrence étrangère. L’État avait été ainsi amené à nationaliser la quasi-totalité du commerce extérieur. Les importations de biens de consommation étaient sévèrement contingentées.
Un quart de siècle plus tard, le paysage est transfiguré, et le pays vit à l’heure du libre-échange avec l’Union européenne. Les supermarchés ont poussé dans toutes les villes comme des champignons. Au centre de Tunis, et plus encore dans le nouveau quartier des Berges du Lac, les galeries marchandes offrent une débauche de vêtements et accessoires de mode plus séduisants les uns que les autres. Et que dire des deux hypermarchés de la capitale, où la foule se presse entre les rayons – plus qu’aux caisses il est vrai ? L’Européen de passage n’y est nullement dépaysé, qui y retrouve pratiquement toutes les marques de yaourts, de céréales ou de dentifrice qui lui sont familières.
La frénésie de consommation est même devenue une des plaies de la société tunisienne. Car il n’y a pas que les fringues et les télés. Beaucoup de familles très modestes possèdent leur voiture. Résultat, les ménages, disent les statistiques, sont dangereusement surendettés.
Il n’est pas un domaine d’activité qui n’ait connu une totale métamorphose. Et le livre n’a pas échappé à la règle. Dans les années 1970-1980, le secteur était le monopole d’une entreprise publique, la STD (Société tunisienne de diffusion). Les librairies ressemblaient un peu aux magasins de Moscou : quelques livres mal présentés se morfondaient sur des étagères poussiéreuses. Peu à peu, les verrous ont sauté. Les éditeurs se sont multipliés, de même que les librairies. On y trouve la littérature importée de France, certes, mais aussi quantité d’ouvrages locaux.
Le visiteur que je suis y trouve d’autant son compte que le dinar s’est déprécié au fil des ans par rapport au franc puis à l’euro. C’est dans l’autre sens désormais que je transporte des marchandises : vêtements, chaussures, pâtisserie, confitures, huile d’olive, fruits en tout genre. Autant de produits made in Tunisia d’excellente qualité et à des prix largement inférieurs à ceux de Paris.

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