Yazid Sabeg et Kamel Benamra

PDG de CS Communication et Systèmes. Haut fonctionnaire au ministère français des Affaires sociales.

Publié le 23 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un, mais deux invités que nous avons reçus à notre conférence de rédaction hebdomadaire : Yazid Sabeg et Kamel Benamra. Deux Français d’origine algérienne très représentatifs de ces nouvelles élites issues de l’immigration qui se réclament de la « génération Chirac » et militent pour une France « républicaine, multiculturelle et respectueuse de l’égalité des chances ». Ensemble, ils animent l’association La Clé. Autrement dit : la Convention laïque pour l’égalité.

Volubile, passionné, parfois emporté, Sabeg, ce capitaine d’industrie qui ne dédaigne pas la littérature – il travaille actuellement à l’écriture d’un roman – vient de publier avec Yacine, son frère, un essai intitulé Discrimination positive, pourquoi la France ne peut y échapper (éditions Calmann-Lévy). On le présente souvent comme un militant UMP, mais il s’en défend : « Je ne suis encarté nulle part. J’ai souvent voté Chirac, mais il m’est aussi arrivé de donner ma voix à Chevènement. » Docteur en sciences économiques, il a d’abord travaillé dans l’administration, l’industrie et la banque. Dans les années 1980, il fonde une société d’investissement, puis, en 1991, réussit une OPA sur la Compagnie des signaux, une entreprise spécialisée dans l’informatique de défense. Il équipe aujourd’hui les Rafale de son ami l’avionneur Serge Dassault. Rebaptisée CS Communication et Systèmes, sa société réalise un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros et emploie six mille ingénieurs.
Sabeg, qui est passé par les cabinets ministériels (il fut naguère le conseiller technique de Raymond Barre à Matignon), a de l’entregent et beaucoup de relations de très haut niveau. Claude Bébéar, par exemple, l’ancien patron du groupe Axa, avec qui il travaille au sein de l’Institut Montaigne et à l’initiative duquel il corédigea un rapport sur l’égalité des chances qui préconise « le CV anonyme » comme remède aux discriminations à l’embauche. « Contrairement à ce que beaucoup de gens racontent, explique-t-il, modèle républicain et discrimination positive sont deux notions parfaitement compatibles. Les discriminations existent, il y a objectivement rupture d’égalité entre les citoyens. C’est un problème récurrent contre lequel, sauf dans les cas extrêmes, les lois sanctionnant le racisme ne peuvent pas grand-chose. C’est pour cela qu’il faut inventer des dispositifs spécifiques pour aider les Français d’origines diverses à surmonter les discriminations à l’embauche et tout ce qui est susceptible de freiner leur promotion au sein des entreprises. Les mentalités ont commencé à changer. Les décideurs ont dépassé le stade de la dénégation et reconnaissent l’existence du problème. Maintenant, il faut que les solutions que nous avons imaginées fassent leur chemin. C’est un travail de longue haleine. »
Le profil de Benamra est complètement différent. Fonctionnaire, il travaille au ministère des Affaires sociales, où il dirige le Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discrimination (Fasild). Il est aussi passé par celui de la Justice, où il s’occupa de la détresse spirituelle des détenus de confession musulmane, surreprésentés, comme l’on sait, dans les prisons françaises. Actif dans les instances dirigeantes de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), où il rêve de faire évoluer le regard de ses « compagnons » sur la place des minorités dans la société, il a brigué – en vain pour l’instant -, un poste de secrétaire national. « Même s’ils commencent à s’ouvrir, les partis sont encore très frileux dès qu’il s’agit de faire une place à un Français d’origine étrangère », lâche-t-il, un brin désabusé.

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Résolument opposés à toute forme de communautarisme, Sabeg et Benamra veulent croire que la société française est capable d’évoluer. Même si l’hostilité à l’islam et aux musulmans a plutôt tendance à s’accentuer depuis le 11 septembre 2001, les Français restent sensibles aux injustices. « Et puis, conclut Sabeg, ce pays va devoir sérieusement repenser sa définition de l’identité nationale, accepter l’idée de la diversité des origines et des cultures. Dans le cas contraire, elle pourra difficilement échapper au déclin. »

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