Sous le signe de la confiance

À la veille de la visite officielle à Tunis du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, les 30 et 31 janvier, les deux pays ont tout lieu de se féliciter de la qualité de leurs relations.

Publié le 23 janvier 2005 Lecture : 5 minutes.

Le dernier Premier ministre français à s’être rendu officiellement en Tunisie a été le socialiste Pierre Maurois. Sa visite remonte à… 1982. L’un de ses successeurs, Jacques Chirac, s’était rendu, lui aussi, à Tunis, en 1986, mais ce fut pour rencontrer l’ex-président Habib Bourguiba en sa qualité de doyen des chefs d’État arabes. Depuis, aucun chef de gouvernement français n’a mis les pieds dans la capitale tunisienne. Les contacts entre Matignon et la Casbah n’ont pas cessé pour autant, même au temps où l’équipe de Lionel Jospin (1997-2002) ne ménageait pas ses critiques à l’égard du régime tunisien sur le thème récurrent des droits de l’homme. D’où l’importance de la visite officielle que Jean-Pierre Raffarin s’apprête à effectuer en Tunisie, les 30 et 31 janvier.
Annoncée depuis le 14 novembre 2002 par l’ex-ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, au cours d’une conférence de presse à Tunis, cette visite a été reportée à plusieurs reprises à cause des agendas chargés et des échéances politiques rapprochées dans les deux pays. Elle interviendra, finalement, dans un contexte on ne peut plus favorable, les relations entre la Tunisie et la France n’ayant jamais été aussi « bonnes, denses et confiantes », selon les termes d’Yves Aubin de La Messuzière, ambassadeur de France en Tunisie. Le Premier ministre français sera accompagné par une forte délégation, qui comprendra pas moins de six ministres, des dizaines de parlementaires, hauts responsables, hommes d’affaires et représentants des médias français.
« Malgré les sujets d’irritation qui font partie du passé, les relations tuniso-françaises peuvent servir de cellule mère pour les relations entre l’Europe et le monde arabe », a déclaré Philippe Séguin, ancien président de l’Assemblée nationale française, au cours d’une conférence à l’Institut supérieur des sciences humaines de Tunis, le 29 janvier 2003. Le premier président de la Cour des comptes, « un grand ami de la Tunisie » où il est né le 21 avril 1943, a exprimé là une opinion partagée par bon nombre de responsables français, à commencer par le président Jacques Chirac. Ce dernier, qui a souvent fait l’éloge du processus de modernisation à l’oeuvre en Tunisie, a été le premier responsable occidental à parler du « modèle tunisien », au cours de sa première visite d’État dans ce pays, en octobre 1995. Lors de ses trois visites ultérieures, en avril 2000, décembre 2001 et décembre 2003 (sans compter ses séjours privés), et alors que le gouvernement tunisien faisait l’objet de vives critiques dans la presse française, le chef de l’État français n’a pas hésité à réitérer son admiration pour les réalisations de ce gouvernement, soulignant à chaque fois l’appui de la France aux réformes structurelles et institutionnelles initiées par lui.
Ce discours volontairement positif, qui a souvent irrité les leaders de l’opposition locale, a été tenu également par tous les membres du gouvernement français qui se sont rendus en Tunisie au cours des deux dernières années. Il y eut, en tout, treize visites au niveau ministériel entre le 16 octobre 2002 et le 27 septembre 2004, dont celles de Nicolas Sarkozy, ex-ministre de l’Intérieur, à deux reprises, de Dominique de Villepin, ex-ministre des Affaires étrangères, de son successeur au poste Michel Barnier, et de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense.
En fait, depuis l’arrivée de la droite aux commandes en France, les contacts entre Paris et Tunis sont devenus beaucoup plus fluides. Les intérêts des deux pays s’en sont trouvés mieux préservés. « Entre la Tunisie et la France, tous les canaux sont ouverts », a déclaré l’ambassadeur de France, au cours d’un point de presse, le 18 janvier à Tunis.
Preuve de l’excellent niveau des relations tuniso-françaises : le contentieux des biens immobiliers des Français en Tunisie, qui a longtemps constitué une pierre d’achoppement dans les discussions entre les deux pays, est aujourd’hui en voie de règlement. Un comité bilatéral d’experts, qui se réunit régulièrement, a déjà apuré de nombreux dossiers.
Par ailleurs, la France figure au premier rang des investisseurs étrangers en Tunisie (hors énergie). Sur la période 1997-2002, les flux d’IDE d’origine française ont quadruplé, passant de 31,7 millions à 132 millions d’euros, l’année 2002 ayant été marquée par l’acquisition d’une part majoritaire de la Société générale dans l’Union internationale de banques (UIB). Au cours des quatre dernières années, les implantations françaises ont progressé au rythme de 73 par an. Les 1 051 entreprises à participation française opérant actuellement dans le pays représentent 40 % du total des entreprises mobilisant des capitaux étrangers. Présentes surtout dans les secteurs manufacturiers, particulièrement dans le textile-habillement (50 %), elles emploient environ 80 000 personnes, soit près du tiers des emplois créés par les IDE.
La Tunisie n’est « que » le vingtième client et le vingt-quatrième fournisseur de la France, mais ce positionnement est jugé remarquable pour un pays qui compte 10 millions d’habitants. La France, de son côté, reste le premier fournisseur (avec 25 % de parts de marché) et le premier client (avec 32 % des débouchés) de la Tunisie. Les échanges commerciaux entre les deux pays, qui ont connu un léger ralentissement en 2003 (5,1 milliards d’euros, – 7,2 %), dû à une conjoncture difficile en Tunisie, ont repris leur progression au cours de l’année écoulée (5,2 milliards d’euros, + 1,7 %). Ce sont les exportations tunisiennes vers la France qui ont le plus profité de cette embellie (+ 3,4 % exprimées en euro). Conséquence : après avoir atteint 645 millions d’euros en 2000, record historique, l’excédent bilatéral français ne cesse de décroître. Il est ainsi descendu à 80 millions d’euros en 2003, avant que le solde ne devienne, pour la première fois, déficitaire en 2004 (- 5,5 millions d’euros).
La prochaine visite de Jean-Pierre Raffarin, qui sera marquée par l’organisation, le 31 janvier, d’un forum économique sur le thème « Tunisie-France : pour un partenariat stratégique et durable », sera une occasion pour les responsables politiques et les acteurs économiques de réfléchir sur les moyens de relancer la coopération bilatérale, de la diversifier et de l’orienter vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée, comme l’électronique et l’informatique. C’est là, en tout cas, le voeu des Tunisiens, qui observent avec une certaine inquiétude les évolutions en cours dans le textile mondial, ouvert depuis le 1er janvier à la concurrence des dragons asiatiques.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires