Rachid Mekhloufi
Ancien footballeur algérien
Tunis, été 2003. Par une belle soirée d’août, l’Espérance de Tunis affronte le Canon de Yaoundé au stade d’El-Menzah. Dans la tribune d’honneur, un spectateur attentif : Rachid Mekhloufi, le Zidane des années 1957-1970. Et voilà que débarque l’entraîneur français Roger Lemerre, responsable de la sélection de Tunisie.
Embrassades chaleureuses. « Rachid ! Ô Rachid ! Tu m’en as fait voir quand tu jouais à Saint-Étienne et moi à Sedan. J’étais défenseur à l’époque. Lors du premier match, tu t’es engagé sur la droite, je t’ai suivi, le ballon s’est retrouvé à gauche. Je n’ai rien compris. La deuxième fois, j’ai essayé de faire attention. En vain, ce fut le même scénario. La troisième fois, je me suis dit : « Je ne le suivrai pas ! » Mais le ballon est parti de nouveau à gauche. J’ai enfin compris : tu avais des yeux derrière la tête ! »
Et l’ancien sélectionneur de l’équipe de France d’éclater de rire. Lemerre, comme beaucoup d’autres défenseurs, avait été embarqué sur les « fausses pistes », la fameuse spécialité de Rachid Mekhloufi, le maestro du contre-pied.
En 1954, l’adolescent tout juste dégrossi quittait sa ville de Sétif, où il est né le 12 août 1936, et signait son premier contrat avec l’Association sportive de Saint-Étienne (Asse). Le bail avec les Verts durera jusqu’en 1968. Dans l’intervalle, l’Algérien fut à quatre reprises champion de France, remporta la Coupe, disputa la Coupe d’Europe, compta quatre sélections avec l’équipe de France, fut sacré champion du monde militaire en 1957.
L’artiste avait rejoint en avril 1958 l’immortelle équipe du FLN (Front de libération nationale). Il ne la quittera qu’en juin 1962, à l’indépendance de son pays. Avec les footballeurs de la Révolution, celui que l’on appela le « Moudjahid du ballon » sillonna le Maghreb, le Moyen-Orient, l’Europe de l’Est et l’Asie. Il s’égara ensuite une saison au Servette de Genève avant de retrouver le club du Forez, et surtout un entraîneur mythique, Jean Snella.
Apôtre du football offensif et collectif, Jean Snella transmit sa foi à son élève surdoué dont il admirait le talent : « Rachid, témoigna-t-il de son vivant, fait partie de la race des savants. Ils n’ont rien à apprendre. Ils inventent le foot. Pour les entraîneurs, ce sont des perles. » Et Robert Herbin, coéquipier de Mekhloufi et son « complice » lors des années glorieuses des Verts, d’ajouter : « Rachid est incomparable par ses coups de patte. Il sait prendre tout son monde en défaut par des attitudes, des amorces, des courses là où « ce n’est pas vrai ». Créer l’inattendu, c’est bien là le secret des grands footballeurs. Rachid est le roi de l’inattendu. »
Juin 1970. Après un passage à Bastia, Mekhloufi raccroche les crampons et rentre en Algérie. Il dirige à deux reprises l’équipe nationale (1971-1972 et 1975-1979), les sélections du Maghreb et d’Afrique en 1972 ainsi que les militaires algériens. Directeur technique national, il est de la belle campagne de l’Algérie au Mondial 1982. Il reprend du service comme entraîneur et part exercer en Tunisie puis en Arabie saoudite, fait une halte à Mulhouse avant de revenir à Alger, où il accède, en 1988, à la présidence de la Fédération de football, poste qu’il quitte totalement désabusé deux ans plus tard : « Vous savez, explique-t-il, j’ai une démarche qui ne plaît pas toujours aux décideurs. Elle est logique pour la majorité, mais illogique pour eux, et ça a toujours été comme cela. »
Rachid repart s’installer en Tunisie, à La Marsa, d’où est originaire son épouse. Il tente une dernière fois l’aventure en acceptant d’encadrer le club libanais Al Nejmeh de Beyrouth. Il enrichit son palmarès de deux trophées avant de rendre définitivement son tablier fin 1998.
Membre de la Commission technique de la CAF (Confédération africaine de football), Mekhloufi s’évertue à y défendre ses idées. Il appelle au respect de l’intelligence et de la personnalité du footballeur africain, multiplie les propositions, se dévoue pour toutes les missions qui lui sont confiées.
En janvier 2000, il est candidat au Comité exécutif de la CAF. Les carriéristes et les potentats lui font barrage : ils n’aiment pas les footballeurs, et la personnalité de Mekhloufi, autant que son prestige et son discours ne leur plaisent pas. Qui plus est, la CAF, qui distribue à tour de bras les décorations à de faux serviteurs du ballon, l’oublie.
Idem du côté des autorités sportives algériennes, peu reconnaissantes. Heureusement, l’Unesco n’a pas la mémoire courte et, le 7 décembre 2004, à Athènes, elle remet son prix à Rachid Mekhloufi pour services rendus à l’éducation physique et au sport.
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