Opération Ali-Baba

Publié le 23 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

Sombre mercredi 19 janvier pour les sujets de la Couronne britannique : ils ont eu en effet (et en couleurs) ce jour-là à leur disposition sur toutes les unes de leurs quotidiens le catalogue complet des (vingt-deux) photographies de sévices infligés à des prisonniers par les soldats du Régiment royal des fusiliers. Corps nus accolés pour la pose, détenus piétinés par des militaires ayant laissé leur propre uniforme au vestiaire, coups portés à des victimes ligotées : l’opération « Ali-Baba » visant à arrêter les pillages dans un entrepôt de vivres géant, quelques semaines après la « conquête » du sud du pays par les troupes de la coalition, avait de toute évidence donné lieu à de terribles « débordements ». Autant d’images qui ne manquent pas de provoquer chez le spectateur une pénible impression de « déjà-vu ».
C’est bien sûr à Guantánamo et surtout dans la prison d’Abou Ghraib que les inspirateurs américains de ces douteuses séquences – parmi lesquels l’ancien caporal Charles Graner, qui vient d’être condamné à dix ans de prison par un tribunal militaire pour son rôle de « meneur » – avaient donné la mesure de leur talent. Leurs émules britanniques du camp « Bread-Basket », proche de Bassora, se sont toutefois montrés soucieux d’y apporter une touche originale : la scène, cette fois, a été réservée aux hommes (on se souvient que les marines, eux, n’avaient pas hésité à exhiber la joyeuse Lynndie England, future maman de l’enfant de Graner) et interdite aux bergers allemands (un effet probable du statut privilégié de ces quadrupèdes en Angleterre). En revanche, ils y ont introduit de nouveaux accessoires : le filet, qui facilite grandement l’immobilisation des suppliciés, et le chariot élévateur, pour leur transport à 2 mètres du sol.
Tony Blair a bien sûr exprimé son « dégoût », tout en livrant un « scoop » à des électeurs déjà passablement malmenés par les vicissitudes de la présence britannique en Irak : non, les 65 000 militaires qui ont servi dans ce pays ne sont pas tous des sadiques et des pervers sexuels ! Dont acte. Compte tenu de ce qu’il détenait ces informations depuis le mois de mai 2003 – dénoncés à l’époque par le commerçant qui avait développé les premiers films, les faits sont restés confidentiels jusqu’à ce que la cour martiale d’Osnabrück en décide autrement -, on aurait pu attendre du Premier ministre une réaction un peu moins surprise et un peu plus politique quant aux inévitables abus nés de l’occupation, par des troupes harassées, d’un pays étranger, théoriquement souverain…

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