Ndongo Lô Niang

Le chanteur sénégalais est décédé le 16 janvier à Dakar.

Publié le 23 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Il était l’une des dernières révélations de la musique sénégalaise. Ndongo Lô repose depuis le 17 janvier à Touba, près de son guide spirituel Serigne Falilou Mbaké, l’ancien calife général des mourides. Il avait juste 30 ans. Le 14 janvier, il donnait un concert au Yengoulène (« Bougez-vous », en wolof), une boîte de nuit dakaroise, quand il s’est brusquement écroulé. Alors qu’on le transportait vers la clinique Casahouss, où il devait décéder trois jours plus tard, Ndongo Lô Niang a demandé aux amis qui l’accompagnaient si son tailleur lui avait confectionné ses habits blancs de la Tabaski célébrée le
21 janvier à Dakar et d’adieu.
On le savait malade. Il disait attendre les bienfaits du mouton de la Tabaski avant de retrouver ses innombrables fans. La mort l’a frappé avant.
À Pikine – banlieue populaire de Dakar -, son quartier natal, on est resté consterné à l’annonce de son décès. Les radios ont stoppé leurs programmes pour diffuser sa musique et des Xassaïdes, des chants religieux. Sur les grandes avenues, femmes, jeunes et talibés mourides, drapés dans leurs tenues baay faal – des vêtements très bariolés composés de plusieurs tissus – partageaient leur tristesse.

Né le 15 janvier 1975, Ndongo Lô Niang s’est découvert musicien sur le tard. Son enfance est difficile. Son père, Mbagnick Niang, polygame, refuse qu’il s’approche du monde musical et exige qu’il apprenne la menuiserie métallique. L’affection de sa mère, Mariétou Fall, ne parvient pas toujours à consoler ses chagrins. Mais on ne lutte pas contre son destin. Ndongo s’éclipse le soir pour vivre sa passion. Il chante dans les kassaks et les simbs, les cérémonies de mariage, de circoncision et dans les jeux de
« faux-lion », où l’on exorcise les démons, il crée l’ambiance. Il tient son timbre de voix de son grand-père maternel, qui chanta sa vie durant les louanges de Serigne Touba, le fondateur de la confrérie mouride.
Ndongo (qui signifie « disciple » ou « talibé » en wolof) devient peu à peu l’invité prestige que l’on s’arrache de Dakar à New York en passant par Hambourg, Paris, Lille ou Bordeaux. En 2001, sa première cassette, Ndortel (« Les Débuts »), connaît un succès foudroyant. Tarkhiss (« La Glissade »), deux ans plus tard, est dans la même veine et le troisième album, Aduna (« Monde »), arrivé sur le marché en décembre 2004, fait fureur dans les boîtes sénégalaises.

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Dans sa musique, on trouve l’ambiance du mbalax. Ndongo chante la morale, Allah source de vénération, Touba la ville sainte, la paix des ménages et l’obstination des hommes. Il prône l’entraide dans une société minée par l’individualisme, se souvenant que quand son père l’a mis à la porte, « ce sont d’autres mères, frères et amis » qui l’ont accueilli. Même après ses premiers succès, il continuera à dormir à la belle étoile.
« Il racontait tout cela avec émotion, témoigne Fatou Sakho, animatrice à la RTS (Radiotélévision sénégalaise) qui l’avait reçu sur le plateau de son émission Tel Quel. Il avait la sensibilité à fleur de peau et beaucoup de chagrin à oublier ». Malgré cela, Ndongo aimait et respectait son père, à qui il venait d’acheter une maison à Touba.
Ndongo Lô était attendu pour un concert le 27 janvier à l’Institut culturel et linguistique de Dakar (ex-Centre culturel français) et on aurait dû l’entendre dans l’opéra créé par la fondation Prins-Claus des Pays-Bas, prévu pour mars à Dakar. Aujourd’hui, on décèle des signes prémonitoires de sa fin prochaine dans son dernier clip, Aduna. Un moment donné, il tourne le dos au public, les yeux au ciel. À écouter attentivement le titre « Diallé ma », on y découvre ses adieux. Diallé signifie condoléances en wolof, et « ma » se traduit par « moi ». Ce qui donne : « Venez me présenter vos condoléances. » Ndongo avait-il vu venir sa mort et le rite qui l’accompagne ?
De nombreux confrères sont venus s’incliner sur sa dépouille, Ouza Diallo, le rappeur Big Dee, Ismaïla Lô, Coumba Gawlo Seck et Youssou Ndour, qui a mis cinq autocars à la disposition du cortège pour l’accompagner à sa dernière demeure. « Avec la mort de Ndongo, a commenté Baaba Maal, le Sénégal perd un artiste accompli. C’était un homme au talent immense ». Ému, Landing Savané, ministre de l’Artisanat et de l’Industrie, accompagné de sa collègue de la Culture Safiatou Ndiaye Diop et de Viviane Wade, l’épouse du président de la République, a poursuivi : « Nous demandons à l’ensemble des artistes de faire vivre la mémoire de ce valeureux fils et de porter au firmament l’oeuvre qu’il a entamée ».

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