L’hypothèse génétique

Pourquoi ne parvient-on pas à arrêter de fumer ?

Publié le 23 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

Fumeurs, soyez rassurés, vous n’y êtes pour rien ! Votre absence supposée de volonté, votre obstination à encrasser vos poumons et à réduire votre espérance de vie en dépit des objurgations de votre médecin, tous ces comportements jugés irresponsables par votre entourage sont la conséquence de votre patrimoine génétique.
C’est en tout cas l’hypothèse retenue par le Dr Jacqueline Vink, de l’Université privée d’Amsterdam, aux Pays-Bas, qui a mené une longue étude à partir d’une banque de données entièrement consacrée aux jumeaux. La généticienne, qui a publié les résultats de son travail dans la revue Pharmacogenomics Journal, a rassemblé et comparé des informations concernant 7 000 jumeaux adultes et 28 000 enfants. Tout a été passé au crible : les habitudes des uns et des autres, le patrimoine génétique des fumeurs, les cellules ADN de 536 donneurs…
Chaque être est unique, sans doute, mais les jumeaux le sont un peu moins que les autres. Grâce à cette similitude génétique, l’équipe néerlandaise a identifié quatre gènes dont disposent tous les jumeaux fumeurs. Situés sur les chromosomes 3, 6, 10 et 14, ils sont déjà connus pour leur rôle dans le déclenchement de certains cancers (poumons et intestin, notamment). Mais il semble bien désormais qu’ils soient aussi responsables de la dépendance au tabac. Selon le Dr Philip Gorwood, de l’hôpital Louis-Mourier, à Colombes, en région parisienne, cette étude constitue une réelle avancée dans la mesure où elle permet de localiser avec précision la partie du génome impliquée dans le processus de dépendance. En fait, des gènes de « vulnérabilité » auraient bel et bien été repérés, ce qui ne veut pour autant pas dire que le travail est terminé. On peut en effet déceler plusieurs étapes dans la vie d’un fumeur. Des gènes de « l’initiation » ont été identifiés. Ils amplifient l’attirance pour la cigarette. Il y a ensuite les gènes du « maintien », ceux de la « dépendance », et pour finir, hélas ! ceux de la « complication », qui accentuent les risques de développer une maladie.
« Le processus est long et nécessite d’autres études », estime Gorwood, qui exclut toute idée de déterminisme. « On ne naît pas fumeur, on le devient », dit-il. De fait, les facteurs personnels et sociologiques expliquent pour moitié le tabagisme. Une thérapie génique capable de neutraliser les quatre gènes incriminés est-elle néanmoins envisageable ? « Non, c’est un fantasme », estime le praticien, qui n’exclut pas, en revanche, que des médicaments puissent être mis au point.
Un point de vue partagé par les tabacologues. Anne Borgne, de l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy, estime que l’étude du Dr Vink permettra de mieux cibler les campagnes de prévention et les traitements proposés aux fumeurs. « Certaines personnes deviennent dépendantes dès la première cigarette, d’autres, à l’inverse, parviennent assez acilement à s’arrêter de fumer après plusieurs années de consommation régulière », remarque-t-elle. Avec la maîtrise du facteur génétique, il devient possible de compfrendre cette « injustice », d’adapter le discours de prévention, dès le plus jeune âge, et de modifier les techniques de désintoxication. Si les quatre gènes sont identifiés chez un individu, libre à lui de fumer sa première cigarette. Mais en toute connaissance de cause !

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires