« Happy Divali » à Maurice

Publié le 23 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Celui qui parcourt l’île Maurice pour la première fois, comme ce fut mon cas voilà peu, se pose la question suivante : à quel continent appartient ce petit bout de terre perdu au milieu de l’océan Indien ? Africaine, l’ancienne Île de France l’est résolument. Par la géographie, tout d’abord, puisqu’elle se situe à quelques encablures de Madagascar. Par la politique, ensuite, car elle appartient à deux organisations continentales, l’Union africaine et la Communauté des pays d’Afrique australe, dont elle assure, jusqu’en septembre 2005, la présidence. Elle donne pourtant, à bien des égards, l’impression d’être une sorte d’excroissance asiatique – ou plus précisément indienne – située au large des côtes africaines. Qu’elle soit bouddhiste, hindouiste, catholique, anglicane ou musulmane, qu’elle s’exprime en créole, en français, en anglais, en hindi, en tamoul ou en cantonais, la population mauricienne est à 70 % originaire du sous-continent indien. Les autres communautés, Noirs, métis, Chinois et Blancs, sont regroupées sous la curieuse appellation officielle de « population générale ». Autres signes qui rappellent l’Inde : la profusion, aux quatre coins de l’île, de temples et de symboles religieux hindous, souvent tamouls, de même que la densité de population – près de 580 habitants par km2 – plus proche des normes indiennes qu’africaines.
Les signes de la diversité culturelle mauricienne sont nombreux. Au cours de mon séjour, j’ai vu fleurir, le long des routes, d’innombrables banderoles souhaitant un Happy Divali, la Fête des lumières qui précède le nouvel an indien, bientôt remplacées par des Eid Mubarak destinées à souhaiter de bonnes fêtes de l’Aïd à tous les musulmans. À Maurice, communautés et religions vivent en harmonie, bien qu’en quarante ans le pays ait connu trois grandes émeutes interethniques, en 1965, 1968 et 1999. Dans une nation où les populations se côtoient plus qu’elles ne se mélangent, certains préjugés demeurent parfois tenaces. « La cohabitation se passe très bien chez nous », m’explique, dans un français mâtiné de créole et d’anglais, le chauffeur de taxi qui me fait visiter l’île. Avant d’ajouter, sur le ton de la confidence : « Sauf avec les musulmans. Eux ne veulent ni travailler ni s’intégrer. » Et de conclure, montrant du doigt un petit groupe qui sort d’une mosquée : « Regardez-les, vous verrez qu’ils se tiennent toujours à part ! » Ici comme ailleurs, les clichés ont la vie dure. Les autorités d’une façon générale et la presse en particulier ne se font pas l’écho de telles élucubrations, mais cherchent plutôt à les combattre.
Sur cette terre multiculturelle, toutes les fêtes religieuses, nonobstant leur nombre, donnent droit à un jour férié. Et pourtant, l’économie tourne… Plutôt bien même, puisque, avec un PIB par habitant de près de 4 500 dollars – l’un des plus élevés du continent -, Maurice se classe parmi les pays émergents. Les signes du développement sont visibles, ne serait-ce que grâce à l’excellent réseau routier, parfaitement asphalté, qui couvre tout le pays. Dans les grandes villes comme Port-Louis ou Curepipe, on voit de nombreux immeubles résidentiels sortir de terre. Les loisirs sont, visiblement, à la portée d’une grande partie de la population. Inconditionnels du septième art, surtout en provenance d’Inde, les jeunes Mauriciens forment, tous les week-ends, de longues files d’attente devant les salles de cinéma pour découvrir le dernier blockbuster de Bollywood [le Hollywood indien, NDLR].
Avec le démantèlement du système des quotas textiles, qui a pris effet le 1er janvier 2005, et la fin programmée des subventions de son industrie sucrière, Maurice n’a eu d’autre choix que d’entamer la restructuration de son économie. À côté d’un tourisme haut de gamme toujours prospère, l’île s’est désormais lancée dans l’aventure des technologies de l’information et de la communication (TIC). Il y a six mois, la première technopole s’est ouverte à Ebène, à une vingtaine de kilomètres au sud de la capitale. Tour futuriste jaillissant d’un océan de cannes à sucre, celles-là mêmes qui, hier encore, en constituaient l’unique richesse, cette première cybercité symbolise déjà, aux yeux des habitants, leur aspiration à une intégration dans le village planétaire.

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