Baré prend le pouvoir au Niger

Publié le 23 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

A Niamey, dans l’étouffante chaleur de cet après-midi du 27 janvier 1996, en plein ramadan, tout le monde fait la sieste. Tout le monde, ou presque. Car, près du palais présidentiel, des coups de feu éclatent, suivis de rafales d’armes automatiques. On se bat aux abords de la résidence du chef de l’État, Mahamane Ousmane, au pouvoir depuis les élections – démocratiques – d’avril 1993. Dans le même temps, une autre bagarre se déclenche près du palais des Congrès, où siège le Parlement et où le président a réuni, ce jour-là, le bureau politique de son parti, la CDS-Rahama (Convention démocratique et sociale). La fusillade est violente et brève. Des parachutistes, commandés par le capitaine Abdoulaye Moukeïla, pénètrent dans les bâtiments. C’est la débandade. Plusieurs membres de l’entourage de Mahamane Ousmane se sauvent en courant et plongent dans le fleuve Niger. Le président sera placé en résidence surveillée à son domicile ainsi que son Premier ministre, Hama Amadou. En début de soirée, la Garde présidentielle ne tient plus le palais. Submergée, elle se rend. C’est la fin. Une dizaine de morts jonchent la rue.

Le chef d’état-major de l’armée, le colonel Ibrahim Maïnassara Baré, annonce à la radio nationale la « destitution » du président et du gouvernement, la dissolution du Parlement et la « suspension jusqu’à nouvel ordre » de tous les partis politiques. Aussitôt investi à la tête de l’État, Baré forme un « Conseil de salut national » de douze membres, qu’il va présider. Un couvre-feu est institué, et la capitale retrouve son calme. La rupture du jeûne peut enfin se dérouler normalement, et la capitale, apaisée, reprend même quelque liberté en acclamant les militaires dans les rues.
L’heure n’est pourtant pas aux réjouissances. Prudent, réfléchi et déterminé, le colonel Baré dispose partout ses hommes, près d’un millier au total. Le douzième bataillon, la légion de gendarmerie, deux compagnies de blindés légers, une compagnie de parachutistes et une compagnie d’artillerie sont positionnés dans la « zone de défense n° 1 », autrement dit Niamey. Mais cette démonstration de force se révèle inutile, rien ni personne ne vient, dans l’immédiat et sur le terrain, contester sa prise de pouvoir par la force.
Pourquoi Ibrahim Maïnassara Baré et les officiers qui l’entourent, qui ne sont ni des « redresseurs de torts » ni des brutes sanguinaires, ont-ils procédé à ce premier coup d’État de l’« ère démocratique » – après les conférences nationales – en Afrique francophone ? La situation politique du Niger était-elle à ce point dégradée ?
Ce coup est dirigé en priorité contre le président Mahamane Ousmane, rendu responsable de la paralysie politique, économique et institutionnelle du pays. Minoritaire au Parlement depuis les législatives anticipées de janvier 1995, il s’est engagé dans une cohabitation conflictuelle avec son Premier ministre, Hama Amadou. Non seulement il a refusé de signer la loi de finances 1996, mais il affiche l’intention de compromettre la signature très attendue d’accords avec le FMI et la Banque mondiale en dissolvant, pour la seconde fois, l’Assemblée nationale. Contrairement à l’avis de la France, principal partenaire du Niger, et des institutions de Bretton Woods, Mahamane Ousmane estime que c’est le seul moyen de sortir le pays du blocage et de reconquérir son propre pouvoir. A-t-il conscience que le chômage, les arriérés de salaires, les manifestations estudiantines et les grèves à répétition constituent les ingrédients d’une explosion imminente ?

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Paradoxalement, l’action de Baré va faire redescendre la tension et permettre une redistribution des cartes. Lui et ses amis sont tous membres, ou proches, du Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara) que dirigent Mamadou Tandja et Hama Amadou. Ce dernier, qui affirme n’avoir pas été informé du complot, refuse pourtant de prendre les rênes du « cadeau empoisonné » que viennent lui proposer les putschistes, d’où sa mise en résidence surveillée, à l’instar du président. La nouvelle équipe devra donc affronter la réprobation des pays voisins et de la communauté internationale, plaider les circonstances atténuantes et multiplier les signes d’ouverture et d’apaisement en direction des bailleurs de fonds. La mise en place d’un gouvernement d’union nationale constituerait un atout supplémentaire.

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