Regain d’intérêt pour les grands travaux

Changement de régime : de nouveaux partenaires, dont le secteur privé et la Chine, montent en puissance dans le financement des chantiers africains.

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 4 minutes.

De nouvelles sources de financements et de nouveaux investisseurs témoignent d’une plus forte mobilisation internationale pour la construction ou la réhabilitation des infrastructures en Afrique. Les gouvernements, les communautés économiques régionales, comme l’UEMOA, la Cemac, la SADC ou encore le Comesa multiplient les efforts et les projets. Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), programme de l’Union africaine adopté en octobre 2001, a donné la priorité aux grands projets d’infrastructures transfrontaliers : interconnexion électrique, gazoduc, routes, chemin de fer Leur réalisation, qui suppose des investissements importants et des partenaires multiples, est désormais coordonnée par le Consortium pour les infrastructures pour l’Afrique (ICA), créé en octobre 2005 et qui réunit les pays du G8, la Banque africaine de développement (BAD), la Banque mondiale et l’Union européenne. Témoin de l’attention de la communauté internationale, l’ICA note que les nouveaux engagements de financement de ses membres en 2006 étaient supérieurs de 10 % à ceux de 2005.

Effet multiplicateur des fonds privés
Avec l’essor des télécommunications, l’investissement privé en Afrique est désormais supérieur aux financements institutionnels en provenance des pays industrialisés et de partenaires tels que l’Inde et les pays arabes (voir graphiques p. suivante). En 2007, plusieurs fonds d’investissement et de capital-risque ont réuni des montants importants sur les marchés internationaux. C’est notamment le cas du Pan African Infrastructure Development Fund (PAIDF), lancé officiellement en mars 2007 et doté en juillet de 625 millions de dollars. Il a pour objectif d’investir dans la construction d’infrastructures sur le continent. Ses actionnaires sont sud-africains, notamment la plus grande caisse de retraite du pays, Public Investment Corporation (PIC) ; Sanlam, un groupe de services financiers ; et des institutions financières comme la Banque sud-africaine de développement. Pour la BAD, qui a investi pour sa part 50 millions de dollars, le soutien de ce partenaire privé devrait avoir un effet de levier pour mobiliser d’autres financements : « Ses investissements, estimés à 1 milliard de dollars sur huit ans, devraient permettre de mobiliser entre 9 et 14 milliards de dollars complémentaires en faveur des infrastructures physiques », estime la BAD. Le PAIDF prendra des participations dans les entreprises qui construisent des équipements tels que des aéroports, des routes, des raffineries, des usines de liquéfaction de gaz et le complexe hydroélectrique d’Inga, sur le fleuve Congo.
Le PAIDF rejoint quelques précurseurs comme le Fonds de développement des infrastructures de l’Afrique émergente (EAIF). Soutenu par les banques et les gouvernements européens, il propose des emprunts à long terme pour la construction et le développement d’infrastructures privées en Afrique subsaharienne. Depuis 2002, l’EAIF a investi plus de 286 millions de dollars dans les télécommunications, les ports ou l’énergie et projette d’augmenter ses engagements à 550 millions de dollars avant 2010. L’année 2007 a été marquée dans ce domaine par une série d’annonces de création de fonds de capital-investissement dédiés à l’Afrique. Renaissance capital, banque d’investissement basée en Russie, travaille ainsi à la constitution d’un fonds doté de 1 milliard de dollars. En Afrique du Sud, Pamodzi Investment Holdings a annoncé le lancement d’un fonds panafricain de 1,3 milliard de dollars. Le PME African Infrastructure Opportunity Fund et l’Africa Opportunity Fund se sont également lancés cette année sur la Bourse de Londres. De quoi mobiliser dès l’année prochaine plusieurs milliards de dollars au service des infrastructures africaines.

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Quel retour sur investissement ?
Reste à savoir où ira l’argent. Si les trois quarts des montants venus du secteur privé ont bénéficié aux infrastructures de télécommunications. Le développement fulgurant de la téléphonie mobile a créé une activité dont le retour sur investissement est à la fois garanti et rapide. Il pourrait en aller de même avec les grands projets miniers relancés un peu partout en Afrique. Ils répondent à une demande industrielle croissante et peuvent offrir, compte tenu des cours élevés des matières premières, un rendement important. Pour exploiter les mines, les opérateurs sont amenés à construire des routes, des chemins de fer et des ports. Au Sénégal, Arcelor Mittal compte investir 2,2 milliards de dollars pour aménager les sites miniers mais aussi pour réaliser des infrastructures annexes, dont 750 km de chemin de fer et un nouveau port minéralier non loin de Dakar. En Guinée, Rio Tinto construira, pour 6 milliards de dollars, un site d’exploitation de minerai de fer et, pour le desservir, une voie ferrée de 710 km et un port en eau profonde à proximité de Conakry.

Les Chinois changent la donne
Au-delà de tous ces flux financiers provenant des bailleurs de fonds institutionnels, des fonds d’investissement et des opérateurs privés, les plus grands bouleversements visibles viennent d’un nouvel acteur et partenaire du continent : la Chine. Les tournées diplomatiques chinoises, menées il y a moins d’un an par le Premier ministre Wen Jiabao et le président Hu Jintao, se sont traduites par le lancement de centaines de nouveaux projets. Villes nouvelles en Angola, logements sociaux en Algérie, chemin de fer au Nigeria la liste des infrastructures construites par les entreprises chinoises ne cesse de s’allonger. Les banques publiques chinoises financent les projets remportés par les sociétés chinoises (voir encadré). L’empire du Milieu a aussi lancé son propre fonds de développement Chine-Afrique, avec une première phase de dépenses qui cible le milliard de dollars. L’étape du financement des infrastructures africaines semble enfin se concrétiser. Reste à mener à bien les travaux.

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