Le piège du remake

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 2 minutes.

Pour tout cinéphile, et même pour tout amateur de cinéma qui ne refuse pas de voir des films d’autrefois, Le Deuxième Souffle évoque un chef-d’uvre. Ce fut en effet l’un de ceux – avec Le Cercle rouge, Le Samouraï ou Le Doulos – que réalisa Jean-Pierre Melville dans les années 1960 et 1970. Il fallait donc oser s’attaquer à nouveau à cette histoire tirée d’un roman noir de José Giovanni, une tragédie qui se passe dans le monde des truands des années 1950 où existait encore, avant que la drogue et les armes de guerre ne changent la « culture » du milieu, un code d’honneur pour lequel on pouvait risquer sa vie.
Tourné en noir et blanc, avec une image épurée qui aidait à créer cet univers très fort et la tension caractéristique des Melville, Le Deuxième Souffle était un film radical et austère qui respectait les codes du film noir et hissait ce genre au niveau d’une tragédie antique. Alain Corneau, avec cette version en salles le 24 octobre, n’a pas tenté de se mesurer à son prédécesseur en marchant trop directement dans ses pas. Filmant en couleurs et dans des décors flamboyants, selon une esthétique – parfois théâtrale – qui doit beaucoup au meilleur cinéma d’action asiatique d’aujourd’hui à la Johnnie To ou à la John Woo, ce réalisateur qu’on considère souvent comme le meilleur auteur contemporain de polars en France propose donc un long-métrage fort différent. Bien joué, mené à un bon rythme, il n’est pas raté et se voit donc sans ennui malgré sa longueur (2 heures 35). Mais, il ne soutient évidemment pas la comparaison.
De fait, si les « suites » ne sont pas toujours décevantes (Le Parrain 2 était, de l’avis de beaucoup, supérieur au Parrain), il est peu courant – les exceptions sont si rares qu’on peine à en citer – que les remakes soient meilleurs que leur modèle. Difficile de préférer la copie à l’original, même quand, comme dans le Corneau, on prend soin, pour tenter d’échapper au piège, de se démarquer autant que possible de son aîné, aidé en cela par un scénario s’appuyant sur une adaptation renouvelée d’un roman qui autorise plusieurs lectures. Le piège, dans bien des cas, est moins dangereux, il est vrai, puisqu’une bonne partie des remakes donnent lieu à des films racontant la même histoire que leur « modèle » mais dans un environnement complètement différent : l’époque, mais aussi le pays et les personnages, voire le dénouement du récit, sont modifiés.
Les Américains, les plus friands de remakes, trahissent ainsi presque toujours l’original, très souvent d’une autre nationalité, pour éviter qu’on ne se livre naturellement à des comparaisons. Vu le nombre, en forte croissance, des remakes qui se préparent, de Bullitt à L’Âge de cristal en passant par La Vie des autres ou Le Magicien d’Oz, on peut cependant craindre que ne se multiplient les désillusions pour les spectateurs qui ont conservé une certaine mémoire cinématographique et qui ne sont pas allergiques a priori à tout remake.

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