Bush légalise la torture

Publié le 22 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Les États-Unis sont désormais, après Israël, la deuxième démocratie à avoir légalisé la torture. Le 17 octobre, le président George W. Bush a en effet signé le Military Commissions Act of 2006, une loi qui autorise le recours à des méthodes d’interrogatoire « agressives » et la mise en jugement devant un tribunal militaire de toute personne soupçonnée de terrorisme. C’est la réponse de l’administration républicaine à la Cour suprême, qui, au mois de juin, avait jugé ces tribunaux d’exception contraires au droit américain et international et rappelé que les suspects de terrorisme étaient protégés par l’article 3 des Conventions de Genève, qui interdit les traitements cruels et inhumains, « atteintes à la dignité personnelle » comprises.
Pour Bush, la journée est « historique ». « Il est rare, a-t-il indiqué, qu’un président ait l’occasion de signer un projet de loi en sachant que ce texte contribuera à sauver des vies américaines. J’ai eu ce privilège ce matin. » Il s’agit à ses yeux de « l’un des plus importants textes de loi adoptés depuis le lancement de la guerre contre le terrorisme ». Grâce à lui, « les hommes que nos services de renseignements soupçonnent d’avoir orchestré l’assassinat de près de trois mille innocents vont pouvoir être jugés » – allusion transparente aux 2 986 victimes du 11 Septembre. Le chef de l’exécutif a d’ailleurs nommément cité le « cerveau présumé » des attentats, Khaled Cheikh Mohammed.
Pour cette cérémonie, il était entouré de sa garde rapprochée : le vice-président Dick Cheney, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et le patron de la CIA, le général Michael Hayden. Absent de marque, le sénateur John McCain, possible candidat républicain à la présidentielle de 2008, qui a mené le combat contre la première « législation Guantánamo », mais qui s’est publiquement réjoui du vote de cette loi, grâce à laquelle, pense-t-il, « les techniques telles que l’étouffement par noyade, les positions pénibles prolongées ou les privations de sommeil ne seront plus autorisées ».
À trois semaines des scrutins de la mi-mandat, qui s’annoncent mal pour les républicains, l’adoption d’un tel texte n’est évidemment pas dépourvue d’arrière-pensées électorales. Le débat sur la sécurité et la lutte contre la menace terroriste sont susceptibles de détourner momentanément l’attention des électeurs de la catastrophique situation en Irak. Pourtant, du New York Times à l’Union des libertés civiles (Aclu), les protestations se multiplient. « Le président Bush, s’insurge Anthony Romero, le directeur général de cette dernière association, peut désormais, avec l’approbation du Congrès, maintenir indéfiniment des personnes en détention, sans chef d’accusation, faire passer des accusés en jugement en se fondant uniquement sur des rumeurs, autoriser des procès pouvant aboutir à des condamnations à mort fondées sur des témoignages littéralement arrachés par la force et interdire toute demande d’habeas corpus. »
Le Military Commissions Act (qui ne devrait pas être applicable avant un ou deux mois) légalise également les camps d’internement de la CIA à l’étranger, dont Bush a reconnu l’existence le mois dernier. Certains se trouvent dans des pays où la torture, légale ou pas, est couramment pratiquée.
Coïncidence intéressante, la signature de ce projet de loi intervient au moment même où sont publiés les résultats d’un sondage mené dans vingt-cinq pays parmi les plus exposés au terrorisme : 59 % des personnes interrogées s’opposent à tout compromis sur la protection des droits de l’homme, 29 % pensent que les gouvernements devraient être autorisés à faire usage de la torture pour combattre le terrorisme. L’enquête a été menée pour le compte de la BBC, entre mai et juillet 2006, par l’institut GlobeScan et l’université du Maryland : 27 407 personnes ont été interrogées.
La majorité (58 %) des Américains est opposée à toute forme de torture, mais 36 % l’admettent dans certains cas – c’est l’un des pourcentages les plus élevés. C’est cependant en Israël que l’on trouve le plus grand nombre de personnes estimant qu’elle peut être un recours nécessaire : 53 %, contre 48 % qui considèrent qu’elle doit être interdite. Nuance : ce sont les Juifs qui l’acceptent le plus volontiers (53 % pour, 39 % contre), alors que les Arabes israéliens (87 %, contre 16 %) y sont très largement hostiles (s’agissant d’opinions ou de sentiments, on n’arrive pas toujours à un rigoureux total de 100 %).
Les adversaires les plus farouches de la torture sont les Italiens (81 %), suivis par les Français et les Australiens (75 %).

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