Amr Khaled

Animateur de talk-shows religieux sur la chaîne de télévision saoudienne Iqraa

Publié le 22 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Il pleure à chaudes larmes, esquisse quelques pas sur l’estrade de la salle de prière, puis parle du péché, du repentir et du pardon. Brusquement, il regagne sa chaise, sourit et implore la bénédiction du Très-Haut pour son auditoire, manifestement sous le charme. C’est ainsi que s’achève Bismika Nehya (« En ton nom, Seigneur, nous vivons »), l’émission qu’Amr Khaled (39 ans), la star des prédicateurs musulmans, a animée, en direct de La Mecque, pendant tout le mois de ramadan. Diffusé en arabe, avec sous-titres en anglais, sur la chaîne de télévision saoudienne Iqraa, le programme a pulvérisé les records d’audience dans tous les pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Même les communautés musulmanes en Occident ont craqué.
Le style d’Amr Khaled rompt radicalement avec celui des prédicateurs « classiques », à qui il a peu à peu volé la vedette. Contrairement à un Abdelhamid Kechk ou à un Mahmoud Chaaraoui, ses compatriotes égyptiens, très en vogue dans les années 1980, le jeune religieux natif d’Alexandrie ne porte jamais ni tunique ni turban, mais s’habille à l’occidentale. Le plus souvent en costume-cravate, parfois en vêtements de sport. Il ne s’exprime pas en arabe littéraire, mais en dialecte égyptien. Moustache impeccablement taillée, il fascine la jeunesse dorée. « Il pourrait être n’importe lequel de mes amis », explique un jeune ingénieur cairote. Son credo : « Réconcilier la religion et la vie. » Selon lui, être un bon musulman n’implique point un renoncement aux plaisirs de l’existence. Lui-même issu de la haute bourgeoisie, il aime le confort et la bonne chère, joue au foot et pratique la natation.

Son coup de génie : il déculpabilise les nantis. « Le musulman fortuné, explique-t-il, est le favori de Dieu, car il va dépenser sa fortune dans les uvres de bienfaisance. » Avec les femmes, il est tout miel. Jamais de récriminations, encore moins d’anathème, contre celles qui prendraient quelques libertés avec le Coran. Mais il ne perd pas une occasion d’exalter « les vertus du hijab ». Le résultat dépasse toute espérance : plusieurs dizaines de milliers de femmes issues de milieux urbains et laïcs ont déjà adopté la tenue islamique, conformément aux recommandations « d’ustaz [« maître »] Amr ».
Mais Amr Khaled est aussi un virtuose du marketing. C’est lui qui, le premier, a importé dans la région le concept de talk-show religieux emprunté aux télévangélistes américains. D’autres « nouveaux prédicateurs », tels Khaled al-Jindi, Al-Habib Ali ou Safwat Hejazi, tentent de l’imiter, mais sont loin de posséder son charisme. Diffusés sur son site Internet, ses prêches et ses conférences sont visités, chaque jour, par des centaines de milliers de personnes et distribués aux quatre coins de la planète sous forme de cassettes, de CD et de DVD.

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Jusqu’à la fin des années 1990, Amr Khaled n’était pourtant qu’un illustre inconnu. Après ses études à l’université du Caire, qu’il achève en 1988, il commence par travailler comme comptable. Soudain, on le retrouve prédicateur attitré de la mosquée du Club de la chasse, fréquenté par la fine fleur de la bourgeoisie cairote. Entre-temps, il a rencontré Yasmine al-Khayam, une ex-chanteuse célèbre, aujourd’hui confite en dévotion. Elle tombe sous son charme, lui confie la mosquée de son quartier et l’introduit dans la bonne société. Ses « salons islamiques » attirent bientôt starlettes et bourgeoisies en quête d’un sens à l’existence. En 1998, il lance son talk-show sur Iqraa, une chaîne contrôlée par de richissimes Saoudiens qui s’efforce de « réislamiser » les sociétés arabes. Tout en prêchant une stricte observance des pratiques religieuses traditionnelles, il s’engage – parfois en partenariat avec des organisations onusiennes – dans la lutte contre certains fléaux, comme la toxicomanie ou le chômage. Mais en se gardant soigneusement de toute prise de position politique.
Pourtant, Amr Khaled n’échappe pas à la critique. Gardiens de l’orthodoxie musulmane, les cheikhs de l’université al-Azhar le jugent « inculte » et raillent son « islam à la carte », tandis que les intellectuels de gauche lui reprochent son « alignement » sur les classes favorisées et la « sclérose » de ses idées religieuses.

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