L’Europe et nous

Publié le 22 juin 2008 Lecture : 2 minutes.

Je ne suis pas entièrement européen, mais au moins à moitié, j’y vis et j’y travaille aussi. Et je ressens chaque défaite de l’Europe comme un recul. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi les Irlandais ont voté « non » à la ratification du traité de Lisbonne. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi les évidences du « oui » sont aussi inaudibles. Un seul pays (et 4 millions d’électeurs) peut-il bloquer la construction européenne (et 400 millions de personnes concernées) ? Comment peut-on juger à la fois sur le fond et dans les détails un traité aussi complexe et aussi longuement négocié que celui de Lisbonne ? Comment conjuguer la nécessité de l’efficacité (construction) et la nécessité démocratique (ratification) ? Comment un pays comme l’Irlande, qui a autant bénéficié de l’Europe et de ses financements, peut-il voter « no » ? Comment des politiciens peuvent-ils sciemment faire croire que l’Europe, c’est la hausse des prix du pétrole, des matières premières, que c’est la désintégration de l’identité et la toute-puissance de Bruxelles ? Comment peut-on oublier que la construction européenne est au contraire à l’origine de plus d’un demi-siècle de paix, de prospérité et de sécurité pour des peuples ?
Derrière le « non » irlandais (comme d’ailleurs les « non » français et hollandais en 2005), il y a évidemment des questions identitaires. Mais se profile aussi une nouvelle et inquiétante lutte des classes. Schématiquement, les « élites » votent « oui » et les « classes laborieuses », les « travailleurs » votent « non ». En Europe, forteresse protégée, les gens les plus vulnérables, économiquement fragiles, les ruraux, les « middle aged » et les plus âgés, ceux dont les métiers sont remis en question par la mondialisation et les nouvelles technologies perçoivent l’Union comme un instrument de domination des classes dominantes et « globalisées ». Comme un moyen aussi de les priver de leur pouvoir démocratique (en confiant les responsabilités à des bureaucrates d’une lointaine capitale, Bruxelles). L’avenir serait donc dans le repli salvateur vers les frontières, l’identité et le protectionnisme… Soit. Mais que pourrait faire l’Irlande seule face au reste du monde ? Que pourraient faire d’ailleurs la France ou l’Allemagne face au reste du monde ?
L’Europe est une très grande aventure qui a mis fin à des siècles de guerres et de conflits. La construction réelle du Maghreb serait une très grande aventure qui ouvrirait un immense espace de croissance et de paix pour les peuples des cinq pays concernés. La construction d’entités régionales africaines a permis d’intégrer des économies fragiles, de les doter d’une monnaie commune (le franc CFA), de limiter l’impact des conflits et des rivalités régionales. Et pourquoi ne pas accorder de crédit à l’idée un peu folle et bancale d’Union pour la Méditerranée, chère au président français Nicolas Sarkozy ? Pourquoi refuser d’avance un nouveau cadre de dialogue ? Et nous autres, gens de la rive Sud, qu’avons-nous proposé depuis des lustres ? Et avons-nous réellement un avenir en dehors d’une alliance avec l’Europe ?
Je ne serais pas surpris qu’il y ait du beau monde le 13 juillet à Paris pour le lancement du projet…

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