Les 7 leçons de la campagne

Publié le 22 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

Il en est d’un référendum comme de tout scrutin : les premières leçons peuvent en être tirées avant même que le résultat soit connu. Car la campagne proprement dite, les déclarations des responsables engagés dans la compétition, l’attitude du corps électoral permettent déjà de dégager des enseignements sur la situation politique. Voici, en sept points, ce qu’il faut retenir de quelque deux mois de controverses et de discussions.

1. Un débat qui a passionné les Français. On disait le peuple de France dépolitisé, replié sur ses préoccupations personnelles, désintéressé de la chose publique. Cette
image, sans être fausse, doit être nuancée. La campagne du référendum a été très suivie, tant par le biais des émissions télévisées que des discussions entre citoyens. Les meetings, ceux du camp du oui et ceux du camp du non, ont fait le plein. Et si, jusqu’au bout, le nombre des indécis dans les sondages est demeuré élevé, ce fait témoigne moins de
leur indifférence que de leur difficulté à choisir.

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2. L’Europe au centre des préoccupations. Longtemps, l’Union européenne est apparue comme une « machine » lointaine, concentrée à Bruxelles, dont les décisions bureaucratiques et technocratiques bouleversaient la vie quotidienne des citoyens sans que ceux-ci aient leur mot à dire. Sans doute ce sentiment est-il encore largement répandu, mais la campagne a prouvé que les Français considèrent désormais que l’Europe fait partie de leur destin et qu’ils entendent être partie prenante des choix faits au nom des vingt-cinq pays de la communauté.

3. La campagne a poussé l’Europe à prendre des décisions. Plusieurs sujets sont apparus au cours du débat. Il s’est agi principalement de problèmes en suspens qui n’aurait pas été résolus si la discussion politique ne s’en était saisi et si les citoyens n’avaient fait pression pour qu’ils le soient. Le cas le plus frappant est celui de la directive Bolkenstein (qui concerne les conditions de travail d’un pays européen à l’autre). Le camp du non en a fait son cheval de bataille : c’est là, selon lui, l’illustration des dérives des règlements européens et du danger d’une approche trop libérale du marché commun. Le camp du oui, Jacques Chirac en tête, a dû contre-attaquer et a fini par obtenir la mise sous le boisseau de cette disposition. De même, l’invasion des produits textiles chinois a été en partie contrée, cette question ayant été au cur des discussions de la campagne, notamment en France.

4. Les responsables étrangers sont entrés dans le débat. La campagne ne s’est pas résumée à un affrontement franco-français. Au contraire, de nombreux chefs de gouvernement et de parti étrangers y sont intervenus, comme l’Espagnol José Luis Rodriguez Zapatero ou l’Allemand Gerhard Schröder, tous deux reçus par les instances officielles françaises. D’autres ont tenu à faire connaître leur sentiment en accordant des interviews ou en publiant des articles dans les journaux. Généralement favorables au oui, ils sont devenus partie prenante de la campagne, sans que cela choque personne. Cette immixtion de personnalités étrangères dans une consultation française est un phénomène nouveau.

5. Des mystères demeurent. En dépit de la longueur de la campagne, quelques questions restent en suspens. Que se passerait-il, par exemple, si la France refusait d’adopter la Constitution européenne ? La réponse n’est pas évidente. Les partisans du non jurent qu’il y aurait renégociation du traité. Les tenants du oui estiment que cette hypothèse est invraisemblable, même si certains, comme Jacques Delors, laissent entendre que des solutions existent. En réalité, le flou persiste et la campagne s’achèvera sans qu’une réponse claire ait été apportée.

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6. Un pays divisé. Que la France soit divisée en deux camps n’est ni une surprise ni une nouveauté : c’est le cas lors de chaque élection. Simplement, le face-à-face n’oppose pas cette fois la droite et la gauche, mais, d’un côté, des formations ayant vocation à gouverner et, de l’autre, des mouvements protestataires. Il est à souligner que, tous
partisans du oui, le chef de l’État, le gouvernement, les deux principaux partis de droite (UMP et UDF) et le Parti socialiste ne parviennent pas à mobiliser une majorité significative de l’électorat.

7. Des hommes qui jouent gros. Dans cette partie, plusieurs personnalités mettent en jeu leur avenir politique. Tel est le cas de Laurent Fabius, adepte du non, mais membre d’un parti favorable au oui. D’où, aux lendemains du référendum, des règlements de comptes prévisibles au sein d’un PS une nouvelle fois divisé. Jean-Pierre Raffarin, le chef du
gouvernement, pourrait lui aussi voir son destin transformé après la consultation, voire céder son poste. C’est dire que le débat européen est aussi un débat franco-français.

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