« Sidi » superstar
Nouakchott, Palais des congrès, 19 avril. Une foule massée le long de l’avenue du Palais-des-Congrès attend l’événement avec impatience : l’investiture d’un président librement désigné par les urnes, et sans aucune contestation des perdants. Une première depuis l’indépendance du pays, en 1960.
Le vainqueur, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, 69 ans, semble heureux et ému. De son côté, le Mauritanien Ahmedou Ould Abdallah, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, parle d’un rêve qui s’accomplit enfin. « Voir mon pays procéder à une telle passation, sans pleurs ni deuils, représente un immense bonheur », confie-t-il.
Si aucun chef d’État du Maghreb n’avait fait le déplacement, la plupart d’entre eux étaient représentés par de hauts responsables : Driss Jettou, le Premier ministre marocain, Béchir Salah Béchir, le directeur de cabinet du « Guide » libyen Mouammar Kadhafi, et le président du Sénat algérien Abdelkader Ben Salah. Le nouveau président mauritanien a également prêté serment devant sept chefs d’État de l’Afrique de l’Ouest : le Burkinabè Blaise Compaoré, le Sénégalais Abdoulaye Wade, le Malien Amadou Toumani Touré, le Nigérien Mamadou Tandja, le Bissauguinéen João Bernardo « Nino » Vieira, le Togolais Faure Gnassingbé et le Capverdien Pedro Pirès. La Côte d’Ivoire était représentée par son tout nouveau Premier ministre, Guillaume Soro.
Autres présences remarquées : celle de la ministre française de la Défense Michèle Alliot-Marie et, surtout, celle du secrétaire d’État adjoint américain John Negroponte, dont le pays avait tardé à accorder sa confiance au Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), au lendemain du putsch du 3 août 2005.
Jamais Nouakchott n’avait reçu autant d’hôtes étrangers. Pour l’occasion, la capitale, sous haute surveillance, a subi un petit rafraîchissement, et un budget de 170 millions d’ouguiyas (470 000 euros) a été consacré aux festivités.
« Je ne nierai pas l’angoisse qui m’étreint devant l’immensité de la tâche qui m’attend », a reconnu Sidi, en préambule d’un discours de quatre pages dans lequel il a appelé les Mauritaniens à « prendre conscience de la nécessité d’un changement radical [de leurs] mentalités et [de leurs] comportements », et annoncé une refondation des structures et du mode de fonctionnement de l’État. Le message est clair : le nouveau président entend veiller à la séparation des pouvoirs et au respect de la loi. Il a également fait savoir qu’il souhaitait doter le pays d’une culture démocratique moderne. « L’opposition, a-t-il lancé, doit renforcer sa présence dans les arcanes de la vie politique nationale. »
Deux absences ont été toutefois très remarquées : celles de l’ex-président Mohamed Khouna Ould Haïdalla, candidat à l’élection, et celle de l’adversaire de « Sidi » au second tour, Ahmed Ould Daddah. Ce dernier, qui a félicité le vainqueur avec un grand fair-play, n’a pas reçu d’invitation pour l’investiture. Celle pour le dîner officiel, prévu le soir même à 20 heures, n’est parvenue à son domicile qu’aux alentours de 19 heures… en son absence.
Après les vingt et un coups de canon, le colonel Ely Ould Mohamed Vall a quitté la salle sous les applaudissements. Il s’est rendu à la présidence où il a remis solennellement les clés « de la maison » à son nouveau locataire. « Je vous souhaite plein de succès. L’armée restera au service de son peuple », a-t-il assuré. La Mauritanie est face à sa nouvelle histoire.
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