Qui croit encore en l’ONU ?
Créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’ONU a porté pendant la seconde moitié du XXe siècle les espoirs des peuples aspirant à la liberté, à l’émancipation du joug colonial et au développement économique et social. Les buts et principes affirmés dans la Charte de San Francisco, la résolution des problèmes (d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire), en encourageant le respect des droits de l’homme et les libertés fondamentales, marquaient une rupture avec le passé.
Malgré des imperfections et des ratés, l’ONU a pu agir sur le cours des relations internationales et changer la physionomie de la société mondiale, en introduisant un peu plus de justice et de démocratie dans le monde. Un rôle primordial a été rempli dans ce sens par l’Assemblée générale et, à un degré moindre, par le Conseil économique et social. L’ancien secrétaire général Boutros Boutros-Ghali, congédié par les Américains pour avoir manifesté une toute relative indépendance, a élaboré trois agendas (pour la paix, pour le développement et pour la démocratie) qui devaient marquer le nouveau départ de l’Organisation mondiale. Mais la déception a été rapide. Le Conseil de sécurité, organe oligarchique et inégalitaire, a très vite été transformé en machine de guerre aux ordres et au service des États-Unis, ou a été réduit à un rôle passif, appelé à valider a posteriori des actions unilatérales dont l’illégalité est ?flagrante.
L’Assemblée générale a été marginalisée. Le Conseil économique et social est toujours là, mais on se demande quelle est son utilité. Le nouveau Conseil des droits de l’homme ne fait que perpétuer l’ancienne Commission du même nom. Le secrétaire général Ban Ki-moon n’a aucun charisme et ne fait, comme son prédécesseur Kofi Annan, que dupliquer les déclarations de Condoleezza Rice, la secrétaire d’État américaine. Le Conseil de sécurité s’acharne contre l’Iran et laisse faire l’Inde et la Corée du Nord. Lorsqu’Israël attaque le Liban, il attend trente-trois jours pour se réveiller, mais adopte une résolution 1701 scélérate. Les bombardements quotidiens en Afghanistan et en Irak ne l’impressionnent pas outre mesure. L’intervention éthiopienne en Somalie ne le dérange pas. La réforme du Conseil de sécurité n’est pas près de voir le jour, puisque les détenteurs des privilèges sont ceux-là mêmes à qui on demande d’abolir les privilèges. Les membres non-permanents du Conseil de sécurité sont l’objet de pressions et de menaces et votent ce qu’on leur demande de voter.
Les guerres font rage aux quatre coins du monde. La pauvreté, l’analphabétisme, la malnutrition, le sida s’aggravent. Le nombre de réfugiés et déplacés se multiplie et les organisations – comme le HCR ou le PAM – ne font que constater les dégâts et déplorer le manque de moyens. Aujourd’hui, l’ONU est totalement discréditée. Plus personne ne croit en elle. Même ceux qui l’utilisent quand ça les arrange sont les premiers à la dénigrer.
*Universitaire et ancien ministre tunisien.
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