Et Mada devint anglophone
Depuis la modification de la Constitution sanctionnée par référendum le 4 avril dernier, l’anglais est désormais la troisième langue officielle du pays, aux côtés du malgache et du français. Un choix pour le moins surprenant pour ce pays partiellement francophone, que le Premier ministre Charles Rabemananjara a tenté de justifier ainsi : « C’est une mesure dictée notamment par la géographie, a-t-il expliqué avant le scrutin. Madagascar se trouve dans une zone linguistique anglophone et appartient à des organisations régionales dont l’anglais est la langue de travail. » Il est vrai que la Grande Île, qui appartient au Marché commun d’Afrique orientale et australe (Comesa), est également devenue membre à part entière de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) le 18 août 2005 à l’issue du sommet de Gaborone. Les autorités espèrent ainsi développer les échanges commerciaux dans la région, tout particulièrement avec l’Afrique du Sud.
Ce choix a toutefois suscité des polémiques, dans la mesure où la langue anglaise reste obscure pour la grande majorité de la population : 80 % des Malgaches ne parle que malgache, et le français est utilisé comme la langue de travail dans les administrations, la politique et les affaires. Toutefois, depuis sa prise de pouvoir en mai 2002, Marc Ravalomanana, fervent apôtre du libéralisme, prêche pour un modèle de développement à l’anglo-saxonne. Ses détracteurs l’accusent même de nourrir un vif ressentiment envers la France – à laquelle il reprocherait d’avoir trop longtemps soutenu son prédécesseur, Didier Ratsiraka – et le suspectent de vouloir favoriser les partenariats économiques avec les États-Unis, l’Allemagne ou le Royaume-Uni au détriment de l’ancienne tutelle coloniale.
Au quotidien, le roi du yaourt maîtrise pourtant mal les langues étrangères, et ses interventions dans la langue de Molière comme dans celle de Shakespeare sont tout aussi approximatives. Ses interlocuteurs reconnaissent toutefois que le président a fait des progrès, surtout en français, même s’il encourage l’anglicisation des services de l’État. Son chef de cabinet porte le titre de chief of staff, les ministres doivent respecter des business plans et l’avion présidentiel s’appelle Air Force One. Dans le domaine des renseignements, la Direction générale d’investigation et de documentation intérieure et extérieure (DGIDIE) a été remplacée en février 2004 par le Central Intelligence Service (CIS).
Reste à savoir comment ce choix va être interprété par les partenaires extérieurs d’Antananarivo. Respectueuse de la souveraineté de ses membres, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) s’est bien gardée de commenter le résultat du référendum. D’autant qu’au moins une dizaine d’États appartenant à l’OIF sont également membres du Commonwealth. Toutefois, dans les milieux diplomatiques francophones, certains ne cachent pas la déception que suscite la « constitutionnalisation » de l’anglais, perçue comme une lubie présidentielle plus que comme une nécessité. Au moment où Madagascar dispute à la République démocratique du Congo le privilège d’accueillir sur son sol le sommet de la Francophonie de 2010, il est évident que ce choix ne joue pas en sa faveur.
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