Pour une alliance des civilisations

Publié le 22 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Comment ne pas accueillir avec enthousiasme l’idée, évoquée par Béchir Ben Yahmed (Jeune Afrique/l’intelligent du 13 au 17 novembre 2005), de promouvoir une « alliance des civilisations » ? Et comment ne pas partager ses convictions quand il écrit que, compte tenu de son patrimoine culturel et spirituel, l’Espagne est sans doute le pays le plus apte à réaliser ce grand et beau projet ?
La France, elle aussi, peut y contribuer, étant donné les relations qu’elle entretient depuis des siècles avec le monde arabo-musulman. Et, plus largement, l’ensemble des États européens peuvent et doivent aujourd’hui développer avec les pays du Maghreb, du Proche-Orient et de l’Afrique subsaharienne une coopération politique, économique, culturelle dont chacun des partenaires profitera.

Dans cette perspective, je me suis souvent demandé pourquoi l’Union européenne et la Ligue des États arabes ne parvenaient pas à mieux unir leurs efforts et à peser davantage, ensemble, sur l’évolution des événements autour de la Méditerranée. Pourquoi, en particulier, ces deux grandes organisations régionales semblent-elles se résigner à ce que les États-Unis soient les principaux maîtres du jeu dans cette région du monde qu’ils connaissent mal et où ils ont accumulé les fautes et les erreurs ?
Quand je pose cette question à des responsables politiques européens, ils me répondent que l’Europe fait de son mieux, mais que les États arabes sont trop passifs et regardent trop du côté des États-Unis. Et quand j’interroge sur le même sujet les diplomates arabes, ils me disent que l’Union européenne ne soutient pas suffisamment les initiatives prises par la Ligue des États arabes et par l’Organisation de la conférence islamique pour une juste paix au Proche-Orient.

la suite après cette publicité

Il me semble, pourtant, que si Européens et Arabes unissaient leurs efforts en mettant en commun leurs immenses possibilités politiques, économiques, culturelles, ils parviendraient à exiger et à obtenir de l’État d’Israël ce que le gouvernement actuel des États-Unis ne veut pas lui demander, à savoir le respect du droit international. C’est alors que « l’alliance des civilisations » remplacerait, fort opportunément, les redoutables idées de « croisade », de « guerre sainte », de « conquête religieuse » prônées par certains chrétiens, musulmans et juifs, qui utilisent le nom de Dieu pour tenter – abusivement – de justifier l’injustifiable.
Car si le conflit israélo-palestinien est d’ordre politique et non pas confessionnel, il comporte – qu’on le veuille ou non – une dimension religieuse. Grande est donc la responsabilité des porte-parole du christianisme, du judaïsme et de l’islam. Au lieu de susciter – voire d’encourager – des réflexes confessionnels et parfois même sectaires – chacun ne pensant qu’aux intérêts de ses coreligionnaires -, ils devraient, ensemble, méditer le message des Livres saints et en tirer les conséquences pour la vie des peuples.

S’ils le faisaient davantage, ils pourraient dire ensemble, plus souvent et plus clairement, que, quelles que soient les évidentes divergences doctrinales entre les trois grandes religions monothéistes, celles-ci ont un patrimoine spirituel commun, des valeurs éthiques communes, affirmées également par les prophètes bibliques, l’Évangile et le Coran. L’une de ces valeurs, c’est le lien qui existe entre la foi en Dieu et la recherche de la justice, partout et pour tous.

Contrairement à ce qu’on entend dire trop souvent, il n’y a donc pas lieu d’opposer « civilisation judéo-chrétienne » et islam. En effet, le Coran prolonge et rappelle les messages divins antérieurs. On peut même affirmer qu’à certains égards la foi chrétienne est plus proche de la foi musulmane que de la foi juive : une telle idée n’est guère répandue dans les Églises d’Occident, mais si les théologiens catholiques et protestants connaissaient mieux le Coran, ils sauraient l’importance que le Livre saint de l’islam donne à Jésus et à Marie, sa mère.
De telles considérations théologiques peuvent paraître bien éloignées des grands enjeux politiques de notre temps, du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est. Mais elles doivent, me semble-t-il, être présentes à l’esprit de tous, croyants et incroyants, si l’on veut qu’existe non pas un « choc » mais une « alliance des civilisations ».

* Père blanc, Paris, France

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires