Fête du mouton au Niger

Publié le 22 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Il est 9 heures. Les rues de Niamey, habituellement bruyantes et animées, sont quasiment désertes. Les bureaux et les magasins sont fermés, de rares voitures circulent tandis que des piétons marchent en silence d’un pas décidé vers la mosquée la plus proche. Les psalmodies du Coran et le prêche des imams en mémoire du sacrifice d’Abraham retentissent dans la ville grâce aux puissants haut-parleurs. L’heure est au recueillement. Niamey est à l’unisson du monde musulman. La prière terminée, les fidèles se rassemblent autour du mouton attaché à un piquet dans la cour des maisons ou bien le long des rues. Un court instant, la fête prend tout son sens. Le chef de famille préside à la cérémonie avant de donner les consignes à la maisonnée. Les filles s’affairent sur les abats de l’animal alors que les jeunes garçons attisent le feu.
Il ne reste plus qu’à prendre du bon temps, car les derniers jours ont été agités. Après avoir fait honneur à ses visiteurs en décembre durant les jeux de la Francophonie, Niamey est resté très animé durant toute la semaine précédant l’Aïd el-Kébir. Dans leurs boutiques, les commerçants ont soigné les étalages pour séduire les clients. Le plus grand marché aux bestiaux de la ville, celui de Tourakou, a connu une fréquentation importante, mais les affaires ont été décevantes. Au milieu de son petit troupeau et tentant de se protéger des nuages de poussières soulevés par les camions, Abdou Idé se désole. Il a péniblement vendu douze moutons, entre 25 000 et 50 000 F CFA la tête, mais il lui en reste neuf qu’il tente de brader en vain. « Cette année n’a pas été bonne. Les commerçants nigérians se sont directement approvisionnés en brousse et très peu sont venus ici. Quant aux habitants de Niamey, la plupart n’ont pas d’argent. Ils ont peu acheté ».
C’est le cas d’Assoumana, qui a préféré se débrouiller avec sa famille native d’Abala, à plus de trois heures en voiture au nord de Niamey en direction du Mali. « J’ai demandé à mon frère de me faire parvenir un mouton sans même lui demander le prix. Ce serait de toute façon moins cher qu’à Niamey. En raison des très mauvaises récoltes l’année dernière, les éleveurs ont voulu vendre une partie de leur troupeau pour éponger les dettes accumulées. Mais, en face, les populations n’avaient pas les disponibilités financières suffisantes », précise-t-il
« Tout cela est oublié et, maintenant, nous voulons bien fêter », se réjouit Aman, rencontré le long de la route entre Niamey et Filengué. Jardinier à Baleyara, il arrose ses plantations de choux avant de retrouver ses proches. Plus loin, dans les localités traversées, les villageois sont alignés derrière l’imam, dehors puisque la mosquée est trop petite pour l’occasion.
À Filengué, les vieux ont revêtu leurs plus beaux boubous et discutent paisiblement à l’ombre d’un arbre. Les plus jeunes s’agitent autour des transistors qui crachent de la musique. Toute la journée s’écoulera de la sorte. Maazou montre avec fierté les quatre moutons qu’il a tués pour sa famille et ses amis. Plus réservé et sans doute plus démuni, Sanda porte un regard attendri sur trois de ses fils qui surveillent la cuisson du seul mouton dressé dans la cour. Les deux plus grands, rentrés spécialement du port de Cotonou où ils travaillent, discutent gaillardement. Le plus jeune entretient silencieusement le feu. Les premières brochettes de foie sont délicieuses. « Nous ne sommes pas tous réunis, mais nous pensons à mes enfants qui n’ont pas pu venir », confie Sanda. La nuit commence à tomber. L’appel à la prière résonne une nouvelle fois.

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