Contre-révolution pédagogique

Publié le 22 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

Autant les récentes volte-face diplomatiques de la Libye du colonel Kadhafi étaient spectaculaires, autant la réforme éducative que la Jamahiriya est en train d’opérer est discrète. Sans en faire la moindre publicité, Tripoli a amorcé une véritable contre-révolution pédagogique dans le sens souhaité par le nouvel « ami » américain. Signée par Mohieddine Abdallah al-Jariri, directeur de l’orientation pédagogique au sein du département de l’Éducation nationale, une circulaire datée du 22 novembre dernier – dont J.A.I. a obtenu une copie – enjoint aux directeurs des écoles primaires d’expurger les programmes, dès l’année scolaire 2005-2006, de tous les thèmes qui fâchent.
La mise à jour concerne particulièrement l’éducation islamique. Il a été ainsi décidé de dispenser les élèves de la cinquième année du fondamental d’étudier « le Djihad et son rôle dans la défense de la foi » musulmane. Les enseignants de la classe précédente devront désormais s’abstenir d’évoquer devant leurs élèves les valeurs de l’altruisme et du sacrifice ou l’aspiration à l’unité arabe. Les enseignants de la sixième sont, quant à eux, appelés à faire aux petits Libyens l’économie des deux sujets suivants : « courage et fausses croyances ».
On ne comprendra la signification de cette réforme éducative que si l’on se souvient que le colonel Kadhafi se prenait, jusqu’à la fin des années 1990, pour « le champion du panarabisme » et « le dirigeant de la révolution islamique mondiale », parrainant et sponsorisant, à coups de millions de dollars, tous les mouvements radicaux voire terroristes à travers le monde. Après avoir renoncé à ses prétentions dans ce domaine, Kadhafi veut, semble-t-il, évacuer toute charge militante ou mobilisatrice de l’islam enseigné aux enfants de son pays.
Rien d’étonnant, après tout, de la part d’un régime soucieux de sa survie et qui cherche à tout prix à s’attirer les bonnes grâces des États-Unis. Ce qui risque, en revanche, de poser problème, c’est l’ampleur de cette révision, qui interdit même l’apprentissage d’un rite musulman comme la prière, lequel représente, après la profession de foi, le deuxième « pilier » de l’islam.
Le document préconise également la suppression de nombreux versets relatifs aux vertus de la piété et ses récompenses dans l’Au-Delà. Les versets qui subsistent dans les manuels ne seront plus appris par cur mais seulement lus et commentés en classe. Devrait être également gommée des programmes la sourate du Vendredi, qui insiste sur l’obligation pour les gouvernants d’instaurer « la justice entre les gens ». Là aussi, l’attitude de Kadhafi ne souffre aucune ambiguïté. Dans une interview accordée, le 9 janvier, à Al Hurra, la chaîne satellitaire américaine en langue arabe, le maître de Tripoli a clairement laissé entendre qu’il était prêt à céder sur tout, sauf sur l’absolutisme de fait qu’il exerce, depuis 1969, en Libye.

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