Ben Laden, le retour

Publié le 22 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Après un long silence, Oussama Ben Laden, chef d’al-Qaïda, s’est à nouveau manifesté à travers une bande sonore transmise le 19 janvier par courrier électronique à Al-Jazira et diffusée à 16 heures TU. Si le choix d’Al-Jazira, caisse de résonance du discours salafiste, ne surprend personne, le Saoudien déchu n’en a pas moins présenté la chaîne qatarie comme un média au service de l’administration américaine. Autre élément d’importance : le choix du moment. L’enregistrement est manifestement récent, de nombreux passages du discours l’attestent. En revanche, il est certainement antérieur au bombardement, le 13 janvier, d’une maison, à Damadola, ville pakistanaise, frontalière ?avec l’Afghanistan, qui avait ciblé, et raté, Ayman al-Zawahiri, lieutenant de Ben Laden (voir aussi p. 7).
La dernière intervention en date du chef d’al-Qaïda remonte à décembre 2004. Friand de symboles, il a réduit le nombre de ses « sorties » médiatiques pour n’en faire qu’une par an. S’assimilant à une sorte d’Amir al-mou’minine (Commandeur des croyants), Ben Laden veut sans doute reproduire la Khotbat al-Ouadaa (le discours d’adieu) prononcée peu avant sa mort par Mohammed sur le mont Arafat, en 632, correspondant à l’an 10 de l’Hégire, au cours du mois lunaire de Dhou al-Hijja, qui coïncide avec le pèlerinage à La Mecque. Cela correspond à la psychologie du personnage où se mêlent un aspect messianique et un côté d’homme traqué, sachant ses jours comptés.
La répartition des tâches au sein du commandement d’al-Qaïda, décidée en 2003, après les multiples coups reçus par l’organisation, avec l’arrestation de nombreux cadres (le Yéménite Binalshibh, le Pakistanais Cheikh Mohamed, ou encore le libyen Abou el-Faraj el-Libi), semble respectée. Désormais, le front de la communication est du ressort d’Ayman al-Zawahiri. La nébuleuse est divisée en zones opérationnelles, dont la plus active est celle de la Mésopotamie, que dirige Abou Moussab al-Zarqaoui, curieusement discret depuis quelques mois après les remontrances que lui a adressées Zawahiri à propos de la multiplication de ses attentats contre les chiites.
L’essentiel du message de Ben Laden, dont Al-Jazira n’a diffusé que quelques extraits, est adressé au peuple américain à qui il propose une trêve de longue durée « si des conditions justes sont réunies. Cette trêve serait mise à profit pour reconstruire l’Afghanistan et l’Irak ». Oussama ferait-il de la politique ? Ses propos le suggèrent. Il rappelle les erreurs de Bush, qui « a transformé l’Irak en terrain entraînement confortant les moudjahidine et consolidant le djihad ». Du fond de sa grotte, quelque part dans l’Hindoukouch, il reste attentif à l’évolution de la cote de popularité de George W. Bush. Plusieurs fois mentionnés, ces sondages sont utilisés pour accréditer l’idée que la majorité des Américains partage son analyse : l’attitude belliqueuse de Bush ruinera les États-Unis.
La Maison Blanche a aussitôt rejeté l’offre de trêve : « Nous ne négocions pas avec les terroristes. » Mais même quand il fait de la politique, Ben Laden ne se départ pas de sa posture militaire, adressant aussi une sorte d’ultimatum.
Comme Zawahiri l’a fait le 6 janvier 2006, Ben Laden part du postulat que les États-Unis ont subi une lourde défaite aussi bien en Afghanistan qu’en Irak, précisant que « le Pentagone publie de faux bilans de ses pertes, des bilans si différents de ceux en notre possession ». Quant aux capacités de nuisance d’al-Qaïda, Ben Laden affirme qu’elles sont intactes. « S’il n’y a pas encore eu d’opérations sur le territoire américain, le mérite n’en revient pas aux dispositions sécuritaires adoptées par l’administration Bush, mais aux préparatifs de nos actes visant le cur de l’Amérique. » On sait que des attentats comme ceux du 11 Septembre nécessitent une longue et minutieuse préparation.
Ben Laden alterne une nouvelle fois le bâton et la carotte : les attentats suicides ou la trêve. Ce qui ne semble pas inquiéter outre mesure la CIA ou le FBI. Commentant la bande sonore diffusée par Al-Jazira, Scott Mc Lellan, porte-parole de la Maison Blanche, n’a pas fait mention d’une éventuelle élévation du niveau d’alerte. En revanche, l’opinion américaine est moins rassurée que ses dirigeants : si elle se doute que Bush ne lui dit pas toujours la vérité sur l’Irak, elle sait que Ben Laden, lui, n’a jamais failli à sa parole

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