Veolia aurait-il décidé de jeter l’éponge en Afrique ?
La cession de ses actifs au Maroc marque une nouvelle étape dans le recentrage géographique et sectoriel du géant français. Le numéro un mondial de l’eau et de la propreté poursuit son retrait du continent.
Au plus fort de la crise traversée par Veolia Environnement, le groupe français avait annoncé, en 2011, son intention de se désengager de 37 pays, dont certains en Afrique. Une étape symbolique vient d’être franchie avec l’annonce, le 8 mars, de la cession au capital-investisseur britannique Actis (lire encadré) de ses activités de distribution d’eau, d’assainissement et d’électricité au Maroc, portées par ses filiales Redal (Rabat) et Amendis (Tanger et Tétouan). Envisagé dans le cadre du plan Convergence de décembre 2011, « ce désengagement s’inscrit dans le recentrage géographique de Veolia Eau et de sa stratégie de développement sur des offres et activités à plus forte valeur ajoutée », précise un communiqué.
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Une fois validée par les autorités de tutelle, la vente des activités marocaines doit rapporter 370 millions d’euros au groupe et participer à hauteur d’environ 88 millions d’euros à son désendettement en 2013. Une priorité pour le numéro un mondial du traitement de l’eau et des déchets, qui traverse depuis plusieurs années une mauvaise passe, même s’il est sorti du rouge en 2012 avec un bénéfice net de 394 millions d’euros. Veolia a ainsi fixé à 6 milliards d’euros les cessions pour 2012-2013 – le groupe a déjà vendu pour 3,7 milliards d’euros d’actifs l’année dernière.
« On pressentait ce désengagement. Les tracas politiques et sociaux auxquels Veolia a été soumis ces dernières années au Maroc ont dû achever de le convaincre de se recentrer sur des activités plus profitables », note Mehdi Lahlou, enseignant-chercheur à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (Insea), à Rabat, et président de l’Association pour le contrat mondial de l’eau (ACME) au Maroc. De fait, ce nouveau retrait de Veolia au Maroc fait suite à la fin de ses activités de transport et à son départ, en juillet 2012, du secteur des déchets. Parallèlement, en Égypte, où il a annoncé en août 2011 son intention de se désengager de la propreté, le groupe a entamé en juin 2012 une procédure d’arbitrage contre l’État, accusé de ne pas avoir honoré toutes les clauses du contrat et de ne pas avoir répondu aux exigences en matière de paiements.
Une nouvelle activité pour Actis
Qui est Actis, le probable repreneur des activités de distribution d’eau, d’assainissement et d’électricité de Veolia au Maroc ? Né dans le giron de l’agence de développement britannique CDC, ce capital-investisseur s’est émancipé de la tutelle londonienne en 2012. Il est aujourd’hui totalement détenu par son management. Spécialisé dans l’investissement dans les pays émergents, il compte à son actif de nombreuses opérations en Afrique, dans des secteurs très variés et principalement en zone anglophone.
Actis, qui gère 4 milliards d’euros et emploie une centaine de professionnels, investira dans Redal et Amendis via ses fonds dévolus à l’énergie. Le traitement de l’eau est un nouveau métier pour le financier, qui, en revanche, est très actif sur le segment électricité (notamment en Tanzanie et en Côte d’Ivoire). Le capital-investisseur a monté un accord de soutien technique de trois ans avec Veolia. F.M.
Focus sur l’Asie
« L’endettement du groupe nécessite une cession d’actifs et un recentrage sur un nombre limité de pays. Or Veolia ne s’est jamais particulièrement focalisé sur l’Afrique et met plutôt l’accent sur l’Asie », résume un analyste basé à Londres, qui estime peu probable que le continent « pèse plus de 2 % du chiffre d’affaires du groupe ». Un chiffre difficile à évaluer, car les résultats en Afrique ne sont pas dévoilés. Côté stratégique, « la croissance de Veolia étant limitée dans le segment propreté, le groupe essaie de développer des solutions de traitement d’eau pour les clients industriels », ajoute l’analyste. Au siège de la compagnie française, on se contente d’indiquer que, sur le continent, « le recentrage financier et sectoriel se résume au désengagement du Maroc et de l’Égypte ». Via la Société d’exploitation des eaux du Niger (Seen), Veolia maintient ainsi sa présence à Niamey, où un contrat d’affermage de dix ans a été signé en novembre 2011.
Problèmes récurrents
A priori, pas de changement en vue à Libreville, où Veolia détient 51 % de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (Seeg) depuis sa privatisation en 1997. Coupures d’eau, ruptures de canalisations, mauvaise gestion du réseau de distribution… Les problèmes sont pourtant nombreux dans ce pays. Depuis des années, le groupe français et le gouvernement gabonais se renvoient la balle en matière de responsabilité des investissements. « En cas de problème, tout le monde accuse Veolia, mais on oublie que derrière l’État ne respecte pas ses engagements », relève Marc Ona Essangui, président de l’ONG Brainforest. « Dans la convention initiale, il était clairement indiqué que Veolia n’investirait pas dans les équipements », affirme-t-il. Aucune information ne filtre sur l’évolution de la situation. Et pourtant… Christian Lefaix, le PDG de la Seeg, se déclarait en octobre 2012 ouvert à la perspective du rachat des parts du groupe, alors que la concession doit arriver à terme en 2017.
Le désengagement est-il inéluctable ? Le modèle français d’eau s’avérerait non dupliquable à l’étranger, comme le suggère Frédéric Genevrier, codirigeant d’OFG, une société d’analyse financière indépendante : « La rentabilité dans ce secteur est très faible à l’étranger, souligne-t-il. D’où la diversification envisagée – dans le nucléaire, entre autres. Cela dénote une fébrilité en matière de savoir-faire et de positions concurrentielles dans l’eau. »
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