Corruption : notre ami à Riyad

Publié le 21 novembre 2004 Lecture : 2 minutes.

On entend souvent parler de tel ou de tel cas de corruption dans un pays donné. Mais rares sont les affaires dont se saisit la justice et qui deviennent publiques. Certains gouvernements choisissent de les étouffer, ou de les « stériliser » en limogeant discrètement les coupables. D’autres laissent les autorités compétentes, indépendantes du
pouvoir exécutif, conduire leur traque sans pitié. C’est le cas en Europe et aux États-Unis, où les lois anticorruption sont réellement appliquées. Dernier exemple en date, celui impliquant un ancien ministre saoudien des PTT et Lucent Technologies Inc., leader
mondial des télécommunications.
Cette affaire, dont s’est saisie la justice new-yorkaise, a éclaté au grand jour le 8 novembre, quand la puissante SEC (Securities and Exchange Commission) a décidé de poursuivre trois exdirigeants de Lucent, y compris son patron au moment des faits, Richard McGinn. Ils sont accusés d’avoir violé le Foreign Corrupt Practices Act. Et risquent de lourdes peines de prison et amendes. Lucent pourrait même perdre les contrats fédéraux en cours et à venir.
Le pot aux roses a été découvert suite aux investigations liées à une plainte banale
déposée en janvier 2000 par un sous-traitant saoudien contre Lucent pour rupture de contrat abusive. Afin d’obtenir et de préserver ses positions sur le marché saoudien, Lucent avait gagné les faveurs du ministre de tutelle, Ali Ibn Talal al-Jouhani. Entré au gouvernement en 1995, ce dernier a géré le contrat de Lucent (5 milliards de dollars pour la remise à neuf du réseau téléphonique). Les concurrents Siemens, Alcatel, Ericsson ont bien sûr frappé à sa porte. En vain. En contrepartie de son coup de pouce, Jouhani avait obtenu de Lucent qu’il prenne en charge tous ses frais de voyages et de soin en Europe et aux États-Unis, ainsi que ceux de sa famille. Sans limites. Les factures saisies par la justice s’élèvent à 21 millions de dollars entre 1995 et 2003. Jouhani, 59 ans, s’est ainsi fait offrir, entre autres, des soins aux États-Unis pour un montant de
2 035 000 dollars, un séjour à l’hôtel pour sa famille d’une valeur de 200 999,90 dollars,
des villas pour ses enfants, et s’est même vu affréter un avion d’affaires. Il ne touchait pas d’argent directement, Lucent s’arrangeant via des sociétés écrans pour régler les factures. Jouhani, qui a perdu entre-temps son poste ministériel, nie tout en bloc. Aucune poursuite n’a été engagée contre lui en Arabie saoudite.

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