Imparfaite Oumma

Publié le 21 septembre 2008 Lecture : 2 minutes.

La récente interview d’Abdelmajid Charfi (dans J.A. n° 2483-2484) nous a procuré beaucoup de bonheur, car ce dernier va très loin dans l’audace, et donc dans le débat, sur trois sujets au moins : l’obligation du jeûne, celle du respect du rituel des cinq prières et la consommation d’alcool. Sur ces sujets, Charfi va loin (trop loin peut-être) dans l’interprétation, mais l’essentiel est ailleurs : dans la capacité à poser de tels débats sans risquer le sort de Mohamed Taha, par exemple, pendu au Soudan il y a une vingtaine d’années (pour avoir brisé le tabou de l’universalité des versets médinois).
Je suis en désaccord sur beaucoup de points avec Abdelmajid Charfi – comme avec Mohamed Talbi -, mais quelle excitation intellectuelle de les lire sur des sujets aussi piquants. Un fait cependant me chagrine : aussi bien Charfi que Talbi ignorent complètement l’apport négro-africain, qui aurait pu compléter et enrichir leur argumentaire. Un phénomène hélas répandu dans le monde arabe. Pas un seul mot ou presque sur l’Afrique noire chez Mohamed Talbi dans son Plaidoyer pour un islam moderne, ou chez Charfi dans L’Islam entre le message et l’histoire. C’est plus étonnant encore chez Talbi, dont la famille est pourtant de la confrérie soufie khadre, très présente en Afrique sahélienne (Mauritanie, Sénégal).
Il faut se rapprocher de l’immense réservoir de pensée islamique que représente un grand pays d’islam comme le Sénégal (le fait musulman y est quand même une réalité depuis le début du Xe siècle !) marqué par des figures comme El Hadj Omar Tall, Seydi Malick Sy, Cheikh Moussa Kamara, Cheikh Ahmadou Bamba, Baye Niasse, pour ne citer que ceux-là, et dont les centaines d’ouvrages restent méconnus dans le monde arabe et dans la Oumma. Mais c’est vrai que, vue de Tunisie, l’Afrique noire semble loin, comme je l’ai constaté avec surprise et tristesse lors d’un voyage dans ce pays il y a quelques années. Certains de mes interlocuteurs tunisiens étaient souvent étonnés et fiers de découvrir un Sénégalais… musulman. Comme quoi la Oumma a encore de sérieux problèmes de communication.
Ousmane Niang, Dakar, Sénégal

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