Kaberuka annonce la couleur
Une fois n’est pas coutume, les assemblées générales de la Banque africaine de développement (BAD) et de sa filiale, le Fonds africain de développement (FAD), ont été, les 17 et 18 mai à Ouagadougou, hautes en couleur. Rythmée par une musique tonitruante, l’ouverture solennelle a presque évoqué les festivités qui accompagnent traditionnellement les sommets de l’Union africaine !
Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour la prochaine assemblée qui se tiendra les 16 et 17 mai 2007 à Shanghai. Ce sera la seconde fois de son histoire – la première, c’était à Valence (Espagne), en 2001 – que le groupe de la BAD tiendra ses assises annuelles hors du continent. Une très importante délégation chinoise était d’ailleurs présente à Ouaga. Ces assises chinoises marqueront aussi le 25e anniversaire de l’entrée des « non-régionaux » (vingt-quatre États européens, asiatiques, arabes et américains) dans le capital de la Banque (40 %), à côté des 53 États africains (60 %).
Les assemblées 2006 ont bénéficié d’un concours de circonstances favorables. Le Burkina accueillant pour la première fois la manifestation, le président Blaise Compaoré et son gouvernement n’ont pas ménagé leurs efforts en matière d’organisation. Les 1 354 participants (ministres des Finances, délégués des États membres et observateurs) ont pu travailler dans des conditions idéales. Sans oublier de se distraire. Toute une série de manifestations culturelles ont en effet été organisées au centre de conférences Ouaga 2000 : danses folkloriques, concerts, défilés de mode, etc. Panafricanité oblige, plusieurs musiciens et chanteurs originaires de pays voisins (Côte d’Ivoire, Guinée, Ghana) avaient fait le déplacement.
Deuxième circonstance favorable : l’« intronisation » de Donald Kaberuka à la tête du groupe BAD, en remplacement du Marocain Omar Kabbaj. L’ancien ministre des Finances du Rwanda a décidé d’oublier très vite les sept tours de scrutin et les deux assemblées générales nécessaires à son élection. Dès sa prise de fonctions, le 1er septembre 2005, il a entrepris de « secouer le cocotier » et de doter la Banque d’un nouveau management, plus jeune et, espère-t-il, plus efficace. À Ouaga, il a été acclamé par l’ensemble des participants. « Place à l’Afrique de demain », a lancé l’un d’eux.
Kaberuka affiche clairement ses ambitions pour la BAD, appelée à participer à la reconstruction de l’Afrique, à la relance de son économie, à la réduction de la pauvreté (accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’emploi), à l’instauration de la bonne gouvernance et au combat contre la corruption « sous toutes ses formes ».
Ainsi conforté dans son action, neuf mois après son élection, le nouveau président peut espérer poursuivre son mandat (de cinq ans, renouvelable une fois) en toute quiétude. Pour lui signifier leur soutien en direct, cinq chefs d’État et de gouvernement ont, pour la première fois aussi, participé à la fête inaugurale. Outre Blaise Compaoré, il y avait là Ellen Johnson-Sirleaf (Liberia), Paul Kagamé (Rwanda), Armando Guebuza (Mozambique) et Charles Konan Banny, le Premier ministre ivoirien.
« Liberia is back », a lancé la première femme démocratiquement élue à la tête d’un État africain. La nouvelle présidente veut « une Banque forte et pragmatique, sensible aux intérêts de l’Afrique ». Et Kagamé de renchérir : « La BAD doit retrouver sa jeunesse et sa force pour devenir le partenaire, le conseiller et le financier des pays africains. » Pour Compaoré, « la Banque doit répondre aux attentes légitimes des citoyens africains ». Quant à Konan Banny, il a essentiellement évoqué la crise dont son pays est le théâtre : « La confiance revient, les Ivoiriens se parlent de nouveau. Le train de la paix est sur les rails Au bout, il y a la lumière, c’est-à-dire le développement. »
« Développement », ce mot aura été sur toutes les lèvres. De Seydou Bouda, ministre burkinabè de l’Économie et président en exercice des assemblées, à tous les délégués en passant le président de la Banque, chacun a « brodé » sur le thème de l’Afrique « prochaine puissance économique mondiale ». Kaberuka s’est fixé trois priorités. Il veut une Banque financièrement solide et saine, qui manifeste un respect absolu de la bonne gouvernance et de la transparence, et qui, enfin, obtient des résultats. « Nos opérations privilégieront l’eau, l’énergie et les routes. Nous allons mettre l’accent sur l’intégration régionale, la diversification économique et la création d’emplois dans le secteur privé. Autant d’éléments qui constituent le socle d’une plus grande prospérité. »
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