Gamal Moubarak adoubé

Le fils – et probable successeur – du raïs reçu discrètement à la Maison Blanche.

Publié le 21 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

C’est par une porte dérobée que Gamal Moubarak est arrivé le 12 mai à la Maison Blanche pour ce qui devait être une visite secrète. Las, une correspondante d’Al-Jazira, la chaîne de télévision qatarie, se trouvait sur les lieux. Ayant reconnu le fils du président égyptien, elle s’est empressée de dévoiler le pot aux roses Interrogés, les responsables égyptiens ont d’abord soutenu que Gamal avait fait le voyage de Washington pour y renouveler sa licence de pilote. Mais il est plus vraisemblable qu’il venait y prendre son envol vers la succession de son père !
Accompagné de Nabil Fahmy, l’ambassadeur d’Égypte à Washington, le fils du raïs s’est entretenu avec le vice-président Dick Cheney et avec Stephen Hadley, le conseiller à la sécurité nationale. Condoleezza Rice, la secrétaire d’État, a participé à une partie des entretiens, et le président George W. Bush en personne a passé une tête dans l’entrebâillement de la porte pour saluer son hôte.
Des attentions tout à fait exceptionnelles pour un visiteur qui n’occupe dans son pays aucune fonction officielle. Gamal Moubarak n’est en effet que secrétaire général adjoint du Rassemblement national démocratique (RND), le parti au pouvoir. Le fait qu’il ait été dépêché à la Maison Blanche pour y évoquer les relations entre les deux pays conforte évidemment la thèse selon laquelle son père le prépare depuis plusieurs années à assurer un jour sa succession. Dans ce contexte, sa réception par les principaux dirigeants de l’administration américaine – et par plusieurs membres du Congrès – a valeur d’adoubement. Elle donne aussi quelque consistance à la rumeur qui court au Caire concernant une possible accélération du processus de succession. Hosni Moubarak, 78 ans, est en effet très affaibli par la maladie…
Le raïs, qui a entamé l’an dernier un cinquième mandat de six ans, est normalement en poste jusqu’en 2010-2011. Mais il n’est plus du tout exclu qu’il soit contraint de céder son fauteuil bien plus tôt. Le célèbre journaliste égyptien Mohamed Hassanein Heykal est même convaincu que le passage de témoin interviendra dans le courant de cette année et qu’un plan est actuellement mis en uvre pour le préparer. Il consisterait à confier, très vite, les rênes du pouvoir à Gamal, de sorte que son père puisse super-?viser personnellement la transition.
Quoi qu’il en soit, le sujet n’est plus tabou. Le mois dernier, Oussama el-Baz, le très influent conseiller du président, a confié à la presse que celui-ci, même s’il compte bien rester au pouvoir le plus longtemps possible, ne serait pas forcément hostile à l’idée de passer le relais à un homme de confiance… Certains voient même dans les récentes fiançailles de Gamal (42 ans) avec la fille d’un richissime homme d’affaires égyptien un signe supplémentaire qu’il s’apprête à assumer le rôle de chef de l’État.
Diplômé de l’université américaine du Caire et ancien cadre au sein de la filiale égyptienne de la Bank of America, le « prince héritier » n’a a priori rien pour déplaire à la Maison Blanche. Mais Cheney, Rice et les autres ont sans nul doute insisté auprès de lui sur la nécessité de procéder à d’indispensables réformes démocratiques. Les responsables américains ont déjà exprimé publiquement, à plusieurs reprises, leur désappointement devant l’incapacité de l’Égypte à « ouvrir » son système politique. Ont-ils néanmoins donné à Gamal leur feu vert pour qu’il se porte candidat à la présidence ? C’était peut-être prématuré.
Le problème est que l’Égypte ne dispose pas d’un mécanisme constitutionnel clairement défini pour la désignation du successeur au chef de l’État. Depuis la Révolution de 1952, ce sont les militaires – de Gamal Abdel Nasser à Hosni Moubarak en passant par Anouar el-Sadate – qui monopolisent le poste. Les deux derniers ont d’abord été vice-présidents, ce qui a grandement facilité leur promotion. Mais Moubarak s’est jusqu’ici toujours refusé à nommer un dauphin officiel. En 2005, la Constitution a été amendée pour permettre à un civil d’être candidat tout en verrouillant le système de manière à lui compliquer singulièrement la tâche !
Depuis des années, les Moubarak, père et fils, répètent à l’envi qu’il n’est pas question d’instaurer en Égypte une succession dynastique. Au RND, on fait valoir que Gamal est, après tout, un citoyen comme les autres qui a parfaitement le droit de se porter candidat, surtout lorsqu’il est présenté par son parti. Mais comment faire la différence entre succession dynastique et familiale dans un pays où le pluralisme n’est guère qu’une fiction ?

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