Fin de partie pour Obasanjo

Publié le 21 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

C’est à Paris, où il se trouvait en visite de travail, qu’Olusegun Obasanjo a appris que le projet de réforme constitutionnelle déposé au Sénat par ses partisans, le 11 avril, a été, au terme de débats houleux, rejeté le 16 mai. Par acclamation ! Dans le cas contraire, le chef de l’État nigérian aurait eu les mains libres pour solliciter l’an prochain un troisième mandat – ce que l’actuelle Constitution lui interdit. Alhaji Aminu Bello Masari, le président de la Haute Chambre, a déclaré à l’issue de la séance que le projet était « classé ». Dès son retour à Abuja, le 18 mai, Obasanjo a fait savoir qu’il acceptait la décision des sénateurs.
Pour être adopté, il aurait fallu que le projet de loi recueille les deux tiers des suffrages des 109 sénateurs et des 360 membres de la Chambre des représentants, ainsi que l’approbation de 24 des 36 États que compte le pays. L’affaire a donc capoté dès le premier obstacle.
Chrétien du Sud, Obasanjo avait été élu pour la première fois en 1999, avec le soutien des élus du Nord. Mais le fossé entre le Nord musulman et le Sud chrétien s’est récemment accentué. Les conflits ethniques, religieux et régionaux ont repris de plus belle. Les Nordistes réclament désormais le retour de l’un des leurs aux affaires.
Lors de la récente tournée d’Obasanjo à Washington et à Paris, ses hôtes, bien que sceptiques sur l’opportunité d’une modification constitutionnelle, s’étaient bien gardés d’évoquer la question. Le président nigérian ne s’était pas montré plus disert. À l’en croire, seuls deux points figuraient à l’ordre du jour des discussions : la dette de son pays et les réformes économiques et politiques qu’il aimerait poursuivre ou achever. Sous-entendu : au-delà de 2007. Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU, n’a pas caché son embarras dans une récente interview au quotidien nigérian The Guardian. Mais c’est John Negroponte, le directeur du renseignement américain, qui a le plus vivement réagi. N’excluant pas « des tensions politiques extrêmement graves » dans ce pays – et notamment des « velléités sécessionnistes régionales » -, il s’est ouvertement inquiété d’une éventuelle « rupture de l’offre de pétrole ». Ce scénario alarmiste reste évidemment d’actualité.
En dépit de l’acceptation par Obasanjo du verdict des sénateurs, certains observateurs n’excluent pas en effet que cette résurgence des revendications régionalistes puisse déboucher sur des troubles susceptibles d’être récupérés à des fins politiques. Dans la région pétrolière du Delta du Niger, l’instabilité et la violence sont désormais permanentes. C’est sur cette vague que semble vouloir surfer le vice-président Atiku Abubakar, un musulman originaire du Nord. Sa stratégie : ratisser large dans la partie septentrionale du pays et instrumentaliser la déception des Sudistes pour pousser Obasanjo vers la sortie. La ligne de conduite de l’ancien président Ibrahim Babangida (1985-1993) ne semble pas très différente.
Si les troubles qui ont éclaté dans différentes régions du pays pendant le débat parlementaire persistent, Obasanjo pourrait être tenté de décréter l’état d’urgence, ce qui donnerait évidemment un coup d’arrêt au processus électoral et pourrait lui permettre de se maintenir au pouvoir au-delà de la fin de son mandat. Avec, en toile de fond, le spectre d’une nouvelle guerre civile. Cette hypothèse est toutefois improbable, en raison des pressions auxquelles il est soumis. Au sein de son parti, d’abord, mais aussi dans la communauté internationale. Les États-Unis et la Chine, notamment, ont au Nigeria des intérêts économiques considérables

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