Et pourquoi pas l’Iran ?

Publié le 21 mai 2006 Lecture : 2 minutes.

Mouammar Kadhafi, le très versatile leader de la Jamahiriya libyenne, vient donc de se voir décerner un brevet de bonne conduite par les autorités américaines. Lui que le président Ronald Reagan qualifia un jour de « chien fou » du monde arabe devient soudain le meilleur ami de l’Amérique (et du Royaume-Uni) dans la région. Ce qui pose une question plus générale : le cas libyen constitue-t-il un bon exemple de la manière dont il convient de traiter avec un État voyou afin de le ramener dans le cadre de la légalité internationale ?
Habitués aux improvisations et aux brusques revirements de Kadhafi, les dirigeants arabes et africains peuvent difficilement ne pas déceler derrière les embrassades opportunément prodiguées au colonel par les Occidentaux des arrière-pensées pétrolières. Il est indiscutable en effet que les compagnies pétrolières américaines ont mené une intense campagne de lobbying en faveur de la normalisation des relations dans le but manifeste d’accéder aux réserves libyennes de brut. Et il est non moins vrai que la volonté affirmée par l’administration Bush de démocratiser le Moyen-Orient s’accommode difficilement du régime despotique de Mouammar Kadhafi. Mais il y a d’autres leçons à tirer de cette saga.

Les États-Unis ont voulu croire que le leader libyen avait parfaitement « reçu le message » que l’administration Reagan lui adressa, en 1986, en bombardant Benghazi et Tripoli. Comme si la réponse libyenne, deux ans plus tard, n’avait pas été de faire exploser un Boeing de la PanAm au-dessus de Lockerbie, en Écosse (270 morts) ! Pourtant, asphyxié par l’embargo décrété contre lui par l’ONU et privé de tout investissement extérieur, Kadhafi a fini par faire de son renoncement au terrorisme un instrument de sa politique. La Libye a donc reconnu sa responsabilité dans l’attentat de Lockerbie, livré deux de ses agents à la justice internationale, versé 2,7 milliards de dollars de dédommagement aux familles des victimes et, pour finir, renoncé à son programme d’armes nucléaires.
Ce fut une victoire de la diplomatie et de la lutte contre la prolifération. Contrairement à ce que prétendit l’administration Bush, ce ne fut pas une conséquence indirecte de l’invasion de l’Irak, mais le résultat de négociations serrées engagées par les Britanniques et poursuivies, huit années durant, en faisant habilement alterner la carotte et le bâton.
Kadhafi a si bien compris l’enjeu de la partie en cours qu’il a pris soin de conditionner le versement de compensations aux familles des victimes de Lockerbie à la levée par les Américains des sanctions bilatérales et au rétablissement des relations diplomatiques. Pourquoi le précédent libyen ne pourrait-il servir de modèle au règlement de la crise iranienne, comme l’admettent aujourd’hui les responsables américains ?

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