Conférence de Winnipeg : devoir de protection
Tenir une réunion de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) au Canada, mais ailleurs qu’au Québec. L’idée avait été lancée au sommet de Ouagadougou, en novembre 2004, par Ottawa – l’un des soixante-trois membres et observateurs de l’OIF -, qui souhaitait montrer son attachement aux francophones non québécois. Elle est devenue réalité les 13 et 14 mai, à Winnipeg. Deux jours durant, la capitale du Manitoba, État quasi désert du centre du Canada, où la langue de Shakespeare l’emporte de loin sur celle de Molière, a accueilli les ministres, ambassadeurs et représentants des pays ayant « le français en partage », venus plancher sur « la sécurité humaine et la prévention des conflits ». Mais le symbole de la conférence dite de Saint-Boniface, en référence à un quartier de Winnipeg, où vit la très grande majorité des quelque 30 000 francophones de la ville (sur 600 000 habitants), a été passablement égratigné. Depuis février 2006, le pouvoir fédéral est entre les mains des conservateurs, dont la francophonie est la dernière des préoccupations. Résultat : seuls la cérémonie d’ouverture et le point de presse final ont eu lieu dans ce petit bastion du français, le reste des travaux s’étant tenu en terrain anglophone, dans l’immense salle de réception de l’hôtel Fairmont, un grand building impersonnel situé sur le carrefour « le plus venteux du Canada ».
L’OIF a acquis « un savoir-faire dans le règlement des crises et des conflits », a estimé son secrétaire général, Abdou Diouf, à la cérémonie d’ouverture. Depuis qu’elle a commencé, à Hanoi, en 1997, sa mue en organisation plus politique, elle a fait de multiples expériences de terrain, en participant aux processus électoraux en Centrafrique et en Haïti notamment. Avec la « déclaration de Saint-Boniface », elle dit son intention de passer à la vitesse supérieure. Le texte rappelle en effet que la Francophonie doit être étroitement associée aux opérations de maintien de la paix, enjeu de taille puisqu’au moins cinq d’entre elles ont cours dans les pays membres (Burundi, Côte d’Ivoire, RD Congo, Haïti, Liban). Et place aussi la « responsabilité de protéger » au rang des priorités. En clair, l’OIF plaide pour des interventions de la communauté internationale – avec sa participation – dès qu’une crise se fait sentir dans un État qui n’est pas disposé, ou inapte, à garantir la sécurité de ses habitants. Elle s’engage également en faveur d’un traité international sur le commerce illicite des armes légères et de petit calibre.
Louables conclusions. Mais la conférence de Saint-Boniface s’est fait voler la vedette par les incidents de « la fouille d’Abdou Diouf » et du rendez-vous manqué avec le Premier ministre canadien. Deux gestes qui ont outré la délégation sénégalaise, mais aussi les Canadiens francophones du Manitoba. Un autre débat était né. De sécurité humaine et de prévention des conflits, il n’était plus question.
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